Comment maîtriser son éjaculation

Geyser

L’ éjaculation jugée prématurée, précoce ou rapide est une plainte très fréquente chez beaucoup d’homme de 15 à 80 ans. Ce désagrément, car ce n’est pas une maladie, s’est surtout développé depuis une cinquantaine d’année; il est en partie la conséquence de l’émancipation féminine, la femme réclamant, à juste raison, sa part de plaisir au cours des rapports sexuels.

William Masters et Virginia Jonhson
William Masters et Virginia Jonhson

La responsabilité de Masters et Jonhson, pionniers américains de la sexologie ne fait aucun doute. En inventant l’expression «premature éjaculation ». Ils ont fait d’un mécanisme physiologique une « pathologie ».

La normalité…

La physiologie naturelle, « normale » de l’homme le conditionne à éjaculer en 2 à 4 mn. Il faut bien comprendre que la physiologie de l’homme actuel ne diffère que peu de celle du sapiens préhistorique. Pour notre ancêtre, il valait mieux que les choses de passent rapidement pour assurer la survie de l’espèce compte tenu de la précarité de la vie.  Dans l’antiquité gréco-romaine, la rapidité était aussi considérée comme une normalité.

En bref, le rapport naturel nécessitait une bonne érection, une éjaculation rapide chez l’homme; et chez la femme, la stimulation clitoridienne par l’excitation provoquée rendait le vagin plus accueillant ne serait-ce que par sa lubrification.

Un changement de paradigme

A partir du moment où l’acte sexuel n’avait plus pour unique but la reproduction (l’invention et l’utilisation de la pilule contraceptive a certainement joué un rôle important) mais le plaisir, les choses ont commencé à changer…

Les hommes pouvaient ainsi satisfaire leurs pulsions sexuelles sans risque d’augmenter le nombre d’héritiers et les femmes n’avaient donc plus qu’à suivre, devoir conjugal oblige!

Une juste revendication féminine

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Sauf que les femmes devenues décideuses et gestionnaires de leurs maternités, ont commencé à revendiquer leur droit au plaisir. Si elles étaient nombreuses à avoir découvert le plaisir clitoridien, elles considéraient comme une injustice d’être privées de jouissance pendant les rapports sexuels comme c’est le cas pour l’homme. La rapidité éjaculatoire de l’homme a été rapidement comprise comme l’unique responsable de cette absence de plaisir ce qui n’est pourtant pas totalement exact.

Un apprentissage nécessaire

Ainsi l’homme a du apprendre  à retarder le moment de son éjaculation pour essayer de satisfaire sa partenaire, cette maîtrise n’était pas nouvelle, mais elle est devenue une sorte de passage obligé de la masculinité. Simplement l’éjaculation ne se contrôle pas; elle survient lorsque l’excitation atteint un certain seuil, un certain niveau. L’homme ne peut agir que sur son excitation et c’est la stratégie de toutes ces recettes plus ou moins inefficaces, et pire souvent anxiogène, que l’on trouve sur internet,  préconisées par un certain nombre d’«experts »:  avoir une respiration abdominale, contracter les muscles du périnée,  éjaculer par la masturbation 1h avant le rapport, utiliser un préservatif retardant ou non, etc… On peut aussi bien lui conseiller de penser à son percepteur ou de compter les motifs de la tapisserie de sa chambre à coucher pendant l’acte. Toutes ces techniques ne servent qu’à déplacer l’attention de l’homme et à renforcer une conception mécanique du rapport sexuel. Celui-ci  peut bien sûr durer quelques minutes de plus, mais où est l’intérêt puisqu’on ne pense plus à sa ou son partenaire?

Echange ou performance?

Ce qui devrait être vécu sur le mode du partage et de l’échange se résume à une affaire de performance. D’ailleurs cette notion même de performance, qui implique des objectifs, et des échecs en cas de manquement,  peut aggraver le problème en développant chez l’homme une anxiété qui complique voire inhibe l’apprentissage de la maîtrise.

Primaire ou secondaire?

Les « mécaniciens du sexe » ont établi des normes: on parle d’éjaculation prématurée primaire (elle a toujours existé) lorsqu’on éjacule en moins d’1 mn et de secondaire si elle survient en moins de 3 mn. En fait, il n’existe pas d’éjaculation prématurée secondaire; c’est une éjaculation prématurée primaire qui est demeurée masquée, déniée, contournée pendant un certain temps: une fréquence plus importante des rapports au début d’une relation ou la capacité de « remettre le couvert », en diminuant l’excitation faisaient que la durée du rapport était plus longue. Et il suffit alors d’une diminution de la fréquence des rapports suite à une grossesse ou un état de fatigue pour voir le problème apparaître ou réapparaître.

Un traitement miracle?

Mais mettre des normes, permet de créer l’anormalité, donc une pathologie. Et s’il y a pathologie, il y a traitement, d’où le développement d’un médicament comme le Priligy®, ou dapoxetine, sérotoninergique dérivé d’antidépresseur qui va permettre d’améliorer ses performances en multipliant pas deux la durée. On passe ainsi de 1 à 2 mn. De toute façon, on ne dépasse pas les 4 mn, ce qui est bien sûr exceptionnel! Mais on est devenu « normal ». Vu cette remarquable efficacité, la FDA a refusé sa mise sur le marché américain.

Un art?

Faire l’amour à l’autre repose sur un savoir faire, fruit d’un apprentissage nécessitant un changement de perspective. L’acte sexuel doit se concevoir en termes de relation, et même si on rencontre parfois l’expression «relation sexuelle», la dimension relationnelle qui repose sur l’attention à l’autre ne semble pas très «naturelle». Au même titre qu’il utilise sa main pour caresser sa partenaire, il doit faire de son sexe un instrument comparable pour caresser le sexe, le vagin de celle-ci. La difficulté réside dans le fait que l’homme a une tendance à se concentrer plus sur ce qui lui apporte du plaisir, sur son sexe comme il le fait en se masturbant. En effet lors de la masturbation, il ne caresse pas sa main avec son sexe, mais bien son sexe avec sa main qu’il remplacera par la suite par le vagin.

Le secret

Compte tour

C’est cela le « secret » de la maîtrise de l’excitation sexuelle et donc de l’éjaculation. Il faut y associer aussi une connaissance de soi, en prenant des repères sur la montée de l’excitation afin de ne pas dépasser le seuil d’inévitabilité éjaculatoire (c’est la technique du squeeze qui consiste pour la partenaire à serrer à un moment convenu la base du gland). Après quelques semaines, il doit devenir capable de maîtriser son excitation sexuelle. Il aura son « permis de conduire », mais il lui faudra encore quelques mois avant d’être « pilote de rallye ». Il ne faut cependant pas oublier le rôle de la partenaire qui assez fréquemment peut se servir de l’éjaculation prématurée comme prétexte à son refus de rapports sexuels car beaucoup de femmes ne ressentent pas grand-chose lors de la pénétration. La pénétration est acceptée dans le but de faire plaisir et dans ces circonstances, elles ne trouvent aucun intérêt à faire durer la chose.

Si l’homme possède la prise mâle, la femme la femelle, ce ne sont pas tant les prises qui sont importantes, mais le courant ou plutôt la musique que CHACUN y fait passer.

Dr Patrice CUDICIO