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Sciences ou pseudo-sciences?

L’étiquette « scientifique » suffit à valider à peu près n’importe quelle pratique car elle rassure, elle prouve, et force l’adhésion d’un public souvent naïf, et toujours plus ou moins démuni face à la puissance de la « vérité » ainsi « scientifiquement » révélée.

Depuis la nuit des temps, les hommes ont mis en œuvre des démarches scientifiques, procédant par essai et erreur ; leurs expériences leur ont permis d’imaginer des explications sur leur environnement et des stratégies efficaces pour y faire face. Mais, ces mêmes démarches se sont confondues avec la magie, ce qui a contribué à brouiller les pistes : il est plus facile d’appliquer une croyance ou d’entretenir l’obscurantisme plutôt que d’innover, d’invoquer des causes irrationnelles au lieu de remettre en cause les croyances qui soutiennent des habitudes de pensée et de comportements, quand bien même elles s’avèrent inopérantes dans un environnement en évolution constante.

Aujourd’hui encore, certains champs de recherche relèvent davantage d’une pensée magique que d’une véritable démarche scientifique, et n’hésitent pas à se parer des signes extérieurs de scientificité, pour mieux justifier leur existence et leurs prescriptions. 

La philosophie s’est depuis l’origine, attachée à distinguer le vrai du faux, le juste de l’injuste et à reformuler les problématiques, en élaborant des outils de réflexion destinés à aider les hommes à s’affranchir des limites intellectuelles qui délimitent leur représentation du monde. 

Aristote, Descartes, Francis Bacon, David Hume, Emmanuel Kant, Claude Bernard mais aussi et surtout Carl Popper ont travaillé à définir les critères permettant de valider hypothèses, démarches et conclusions scientifiques. 

C’est à Karl Popper que revient le mérite d’avoir proposé des critères précis permettant de distinguer les sciences des pseudo sciences. Sa formation à la fois philosophique et scientifique, de même que ses engagements humanitaires et sa passion de jeunesse pour la psychanalyse, lui ont permis de comprendre très tôt, que les véritables scientifiques formulent leurs hypothèses de façon à en déduire des faits observables qui pourront les confirmer si elles sont adéquates ou les infirmer si elles ne le sont pas. Il a posé aussi qu’une affirmation dont on ne peut prouver ni qu’elle soit fausse ni qu’elle soit vraie ne peut pas entrer dans les critères de la science. Enfin, la science véritable s’auto-évalue en permanence, le scientifique s’appuie sur des vérités provisoires, de nouvelles expériences peuvent les réfuter et faire émerger de nouveaux paradigmes (Thomas Kuhn).

Mario Bunge (1967), chercheur en épistémologie définit une pseudoscience comme « un ensemble de croyances et de pratiques que leurs praticiens veulent, de façon naïve ou cynique, faire passer pour une science, bien qu’il soit étranger à la méthode, aux techniques et au corpus des connaissances scientifiques ». Pour préciser, il cite en exemple de pseudosciences, la radiesthésie, la parapsychologie et la psychanalyse. 

La distinction entre science et pseudo science n’est pas aussi évidente qu’il semble à première vue : « Il arrive qu’une science se développe à partir d’une pseudoscience, et qu’une théorie scientifique se fige en un dogme, de sorte qu’elle cesse de se corriger et qu’elle devienne une pseudoscience ».

La psychanalyse considérée aujourd’hui comme une pseudo science, a particulièrement bien réussi à donner le change. Jacques Van Rillaer, professeur à l’Université de Louvain, dans son livre « Les illusions de la psychanalyse » (1980) parle en connaissance de cause ayant pratiqué la psychanalyse pendant une dizaine d’années. L’auteur cite de nombreux manquements aux critères scientifiques et montre comment cette discipline, ancrée dans un obscurantisme forcené relève plus de la religion ou de la magie que de la science.

1- La rupture avec la science :

C’est à partir de son modèle du monde personnel que Freud va utiliser un certain nombre de croyances comme hypothèses fondatrices de la Psychanalyse. Bien qu’il se réclame de la psychologie scientifique, dans les faits, il s’en éloigne et n’intègre à aucun moment les apports que celle-ci aurait pu lui fournir. De la même façon qu’il s’éloigne de l’enseignement de ses anciens maîtres, quand celui-ci ne cadre plus avec ses théories. Mieux encore, il fonde sa propre école, énonce ses lois, et s’inscrit en marge de la médecine et de la psychologie. Pour devenir Psychanalyste, il faudra désormais être reconnu par le maître et en passer par une initiation qui exige de lourds sacrifices financiers et moraux.

Certains de ses disciples iront naïvement jusqu’à mettre en doute la science, en 1977, Lacan écrit : « Aucun résultat de la science n’est un progrès. Contrairement à ce qu’on imagine, la science tourne en rond, et nous n’avons pas de raison de penser que les gens du silex taillé avaient moins de science que nous ».

2- L’irréfutabilité:

L’invention de l’inconscient, par essence insondable et inaccessible à la psychologie scientifique comme à la médecine, est un coup de maître ! Le champ de la psychanalyse échappe alors complètement au non-initié.

3- La récupération des échecs

Un autre trait caractéristique des pseudo sciences, largement utilisé par la psychanalyse, constitue à récupérer ses échecs comme autant de preuves de la validité de la théorie. C’est ainsi que la notion de « résistance » va jouer un rôle majeur dans l’emprisonnement idéologique du psychanalyste comme de ses patients. Si la psychanalyse ne marche pas c’est parce que votre inconscient « résiste »…

4- Le chef de file, un héros persécuté

Freud s’est souvent présenté comme une victime incomprise, rejeté par les autres, seul contre tous, détenteur d’une vérité et n’ayant pour seule issue que de la transmettre. Pour cela, il lui faut créer des affiliations, il deviendra le chef longtemps incontesté de son mouvement.

5- Hypothèses et métaphores remplacent des faits avérés

Fasciné par l’Antiquité grecque, Freud s’est habilement servi de personnages mythologiques pour recouvrir des données vastes, fluctuantes, et souvent imprécise. Ainsi, le complexe d’Œdipe, désigne tout à la fois des désirs évalués incestueux, des envies de meurtre d’un parent supposé rival, mais aussi une « structure » psychologique. Les hypothèses d’une pseudo sciences procèdent d’une double lecture, au départ, elles revêtent un sens étroit, à l’arrivée un sens plus vaste ce qui en renforce l’irréfutabilité.

6- Du vocabulaire au « charlatanisme »

S’il existe une terminologie scientifique spécifique, on forge des mots pour exprimer de nouveaux sens, les pseudo sciences commencent par élaborer un jargon, que seuls les initiés comprendront et ajoute une touche indispensable à leur déguisement. Molière, critique intelligent de son siècle, raillait ouvertement ces débordements jargonesques…

7- L’enfermement dogmatique :

Si le langage a évolué, les idées et les théories sont sagement demeurées fidèles au maître, et ce, malgré les découvertes et les progrès de l’exploration et de la compréhension des réalités psychologiques, biologiques, neurologiques.

8- Opportunisme et rentabilité

La psychanalyse, comme d’autres pseudo sciences tire parti de tout ce qui peut lui servir, les apports de la linguistique, de l’éthologie par exemple sont habilement récupérés, et contribuent à faire durer l’illusion scientifique. La psychanalyse ne saurait en effet s’en passer sans risquer de compromettre sa respectabilité et donc sa rentabilité.

Lacan l’avait compris qui affirmait à la fin de sa vie: « J’ai intitulé mon séminaire, cette année, Le Moment de conclure. Ce que j’ai à vous dire, je vais vous le dire — c’est que la psychanalyse est à prendre au sérieux, bien que ce ne soit pas une science. Comme l’a montré abondamment un nommé Karl Popper, ce n’est pas une science du tout, parce que c’est irréfutable. C’est une pratique, une pratique qui durera ce qu’elle durera. C’est une pratique de bavardage. […] Le psychanalyste est un rhéteur. […] Ce que j’ai appelé le rhéteur qu’il y a dans l’analyste n’opère que par suggestion. Il suggère, c’est le propre du rhéteur, il n’impose d’aucune façon quelque chose qui aurait consistance. […] L’inconscient, dit-on, ne connaît pas la contradiction. C’est bien en quoi il faut que l’analyste opère par quelque chose qui ne se fonde pas sur la contradiction. Il n’est pas dit que ce dont il s’agit soit vrai ou faux. Ce qui fait le vrai et ce qui fait le faux, c’est ce qu’on appelle le pouvoir de l’analyste, et c’est en cela que je dis qu’il est rhéteur » (Lacan, 1979, p. 5-6).

Grâce à un irrépressible besoin de croire en la magie, à des attentes démesurées, et au goût du mystère, les pseudo sciences ont encore de beaux jours devant elles…

Lacan, J. (1977) Ouverture de la section clinique. Ornicar ?, (Paris), 9: 7-14.

Lacan, J. (1979) Une pratique de bavardage. Ornicar ?, 19: 5-9.

Popper, K. (1935/1973) La logique de la découverte scientifique. Trad., Paris: Payot, 1973.

Popper, K. (1963) Conjectures and refutations. London, U.K.: Routledge & Kegan Paul.

Van Rillaer, J. (1980) Les illusions de la psychanalyse. Bruxelles: 

Van Rillaer, J. (1985) Grandeur et misère de la psychanalyse. Raison Présente, 76: 99-113.

Viderman, S. (1980) Interview de Rolland Jaccard. Le Monde, 20 janvier.

Sexualités: Le Magazine de toutes les sexualités

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