L’orgasme, manifestation du plaisir 

L’utilisation du mot « orgasme » pour décrire l’apothéose du plaisir sexuel débute au 19ème siècle. Auparavant, ce mot, apparu au début du 17ème siècle, désignait un violent accès de colère. L’origine grecque, quant à elle, évoquait un « bouillonnement d’ardeur ». 

Les mots de la jouissance

Beaucoup d’expressions très imagées renvoient à l’expérience orgastique : « s’envoyer en l’air », « grimper aux rideaux », « prendre son pied », « s ‘éclater ». On parle aussi de « petite mort », de « septième ciel » pour évoquer l’orgasme. Les chansons du début du 20ème siècle parlaient souvent de « grand frisson ». Le verbe « jouir » semble encore plus explicite, mais le « jouisseur » ou la « jouisseuse » portent une connotation péjorative. Toutes ces expressions évoquent le fait que l’orgasme transporte dans une autre dimension, souvent « aérienne », au cours de laquelle la perception du réel se modifie… 

L’orgasme, un fait culturel ?

Certaines cultures ignorent la notion d’orgasme, sans qu’on puisse mettre en doute leurs connaissances, voire leur expertise, sur le registre du plaisir sexuel. Au cours d’un congrès mondial de Sexologie à la fin des années 1980, on a remarqué́ que pour les sexologues indiens, le terme « orgasme » n’avait aucun sens…Ce qu’il ne veut pas dire qu’il n’existait pas.
Dans la culture occidentale actuelle, la recherche de l’orgasme focalise toute l’attention des chercheurs, des thérapeutes, et de tous ceux et toutes celles qui s’estiment frustrés en regard de la tendance.
Pour la femme, ce qu’il y a de commun entre l’orgasme et le sommeil, c’est que plus on y pense et moins on a de chances de l’atteindre. L’homme ne se pose pas la question d’atteindre l’orgasme, mais bien davantage celle de choisir le moment où il arrivera au seuil d’inévitabilité́ qui déclenchera son éjaculation. Maintenant, on peut très bien vivre sans orgasme!

Explications ou hypothèses

L’orgasme se manifeste par certains signes, mais c’est au niveau subjectif qu’il prend toute son importance, c’est pourquoi, il n’y a pas un orgasme, mais des orgasmes, qui diffèrent en qualité́, en intensité́, en nombre, sous l’influence de facteurs divers et complexes. En fait, l’orgasme est un état modifié de conscience (EMC*) involontaire survenant de manière transitoire. La focalisation de l’attention sur une zone sexuelle grâce à un stimulus répété́ va provoquer une dissociation psychique. Les structures les plus anciennes du cerveau, sur le plan du développement cérébral, vont provoquer une explosion neuronale qui va inonder plus ou moins complètement l’ensemble du cortex cérébral. Ce phénomène peut être amplifié jusqu’à l’extase lorsque s’y associe un imaginaire amoureux ou érotique, expression métaphorique d’affects, de sensations ou d’émotions stockées dans ces mêmes structures archaïques. 

Sur le plan clinique, les chercheurs ont depuis longtemps fait le rapprochement entre le déroulement de l’orgasme et les crises comitiales (crises d’épilepsie). Trois phases caractérisent ces deux phénomènes : la crise comitiale débute par la montée d’une tension très importante appelée « phase tonique », puis un état chaotique s’installe, c’est la phase « clonique », qui se manifeste par de brusques convulsions, survient ensuite une phase « résolutive », qui marque la fin de la crise proprement dite, c’est dans le meilleur des cas le retour à la conscience. Tandis que les crises comitiales menacent gravement la santé et doivent faire l’objet d’un traitement sérieux, l’orgasme est un phénomène naturel et bénéfique. 

L’orgasme se déroule aussi en trois temps. Il y a d’abord, la montée de l’excitation sexuelle, qui devient telle qu’elle déclenche la « crise»: contraction des muscles pelviens, accélération du rythme cardiaque, sensation de chaleur, et photophobie transitoire. Ces symptômes apparaissent au paroxysme du plaisir. L’homme éjacule, la femme éprouve une expérience souvent indicible quand son orgasme est pleinement accompli. Une phase de résolution va suivre, les tensions sont apaisées, une sensation de plénitude et de bien-être s’installe, due à la sécrétion d’endorphines qui accompagne l’orgasme, mais aussi à une sorte de « reset » neuronal . 

Question :  La question de savoir quelle est la fonction de l’orgasme reste encore énigmatique aux yeux de la science.

S’il facilite sans aucun doute la reproduction, la survie de l’espèce pour l’homme, il ne semble pas avoir la même fonction chez la femme.

Wihlem Reich

Cependant, les hypothèses n’ont jamais manqué pour apporter des réponses. Si la sexologie s’est largement inspirée de la psychanalyse, elle n’en a, semble-t-il, retenu que des théories pouvant fournir des explications, mais peu ou pas efficaces pour résoudre les problèmes sexuels. On oublie un des pionniers, Wilhelm Reich, médecin et psychanalyste américain d’origine autrichienne (1897-1957), qui a d’abord été un disciple de Freud avant d’évoluer vers une compréhension du psychisme restituant au corps toute son importance. Ses idées et sa pratique visaient à libérer les gens de la « cuirasse » de leurs tensions en leur permettant de faire circuler leur énergie vitale essentielle et d’atteindre par ce biais une dimension « orgastique » indispensable à un équilibre harmonieux du corps et de l’esprit. Les intéressantes intuitions de Reich, basées en partie sur des conceptions traditionnelles indiennes, auraient pu donner un second souffle à la psychanalyse, mais elles ont été reçues comme autant des déviances inacceptables en regard du dogme naissant. Elle a néanmoins eu une descendance d’abord « la Bioénergie de Lowen » puis en sexologie les techniques sexo-corporelles importées du Quebec par Jean-Yves Desjardin. Bien entendu, il faut prendre comme métaphore cette circulation énergétique corporelle, car tout se passe en fait au niveau cérébral.  

L’orgasme de l’homme 

Il survient au point culminant de l’excitation sexuelle, quelle qu’en soit la source. L’homme peut avoir des orgasmes par la masturbation, en faisant l’amour ou par une stimulation de la prostate (point P) lors de la sodomie. Comme cette crise voluptueuse s’accompagne d’une éjaculation, l’homme ne peut pas, comme c’est le cas de certaines femmes, vivre successivement plusieurs orgasmes. On sait en effet qu’une période dite « réfractaire » suit l’éjaculation, si bien que l’homme ne réagit plus aux sollicitations sexuelles, et peut même les ressentir désagréablement. 

Plus l’homme avance en âge et plus la période réfractaire s’allonge. Avant sa puberté, le garçon peut éprouver des orgasmes sans éjaculation, et après elle, il lui arrive d’avoir, pendant son sommeil, des émissions spontanées de sperme sans aucune notion de plaisir. En effet, éjaculation ne signifie pas orgasme, car chez l’homme, surtout jeune, celle-ci peut survenir de manière totalement mécanique, purement réflexe. 

L’orgasme de l’homme s’accompagne d’une sécrétion d’endorphines qui provoque un puissant effet d’apaisement, et cette sensation est si agréable qu’elle évolue parfois en une véritable addiction. Beaucoup croient qu’ils sont devenus dépendants du sexe, mais en réalité il s’agit d’une addiction aux endorphines, la même qui affecte certains sportifs. 

Bien entendu, le plaisir quel qu’il soit et notamment le plaisir sexuel a été longtemps considéré comme un péché par les bigots de toutes sortes, car on considérait qu’il détournait l’attention vers soi-même au lieu de la garder au service d’un dieu, ou de ses représentants. 

Les observations physiologiques de l’orgasme permettent d’explorer des réalités biologiques utiles à la science médicale et à l’industrie pharmaceutique. Ceci est valable dans la mesure où l’on admet que la plupart des problèmes sexuels peuvent faire l’objet d’un traitement médicamenteux. 

Décrire avec précision la physiologie de l’orgasme aide à comprendre comment, à partir d’une zone corporelle limitée, c’est quasiment l’ensemble du système nerveux cérébro-spinal, neuro-végétatif, sensitif et moteur qui participe. 

Une interrogation plus existentielle à propos du sens du plaisir sexuel ne saurait donc faire l’impasse sur ce phénomène exceptionnel qui n’a cessé d’étonner les humains et les a souvent conduits à donner au plaisir sexuel des valeurs puissantes.
La plupart des hommes pense que leur orgasme est un phénomène mécanique simple qui fait partie d’une bonne hygiène de vie, c’est un point de vue « mécanique » largement répandu. La découverte du plaisir sexuel commence par la masturbation, continue avec la rencontre de partenaires, puis l’activité sexuelle devenant moins fréquente, se fait de plus en plus rare. Tant que l’homme demeure aux niveaux pulsionnel et compulsif de sa sexualité, son plaisir sexuel correspond en effet à cette jouissance intense et fugitive. En quelques secondes, tout est consommé… 

L’orgasme de la femme 

Depuis la plus lointaine Antiquité, l’orgasme de la femme interpelle, étonne, inquiète ou réjouit, mais ne laisse personne indifférent. Différent de celui de l’homme, l’orgasme de la femme est pluriel : clitoridien ou vaginal, souvent les deux. Et, la différence ne s’arrête pas là, en effet, certaines femmes peuvent vivre plusieurs orgasmes successifs sans passer, comme les hommes, par une phase réfractaire. Le maintien d’un certain degré de vigilance est responsable de ces orgasmes partiels. Cependant, un orgasme extatique sera la conséquence de la dissociation évoquée précédemment. 

Les réactions physiques associées à l’orgasme féminin sont parfois très accentuées, s’accompagnent de gémissements, de cris, d’une sensation de perte de conscience, c’est pourquoi la littérature le nomme parfois « petite mort » et on comprend mieux pourquoi. 

L’orgasme clitoridien de femme est ce qui ressemble le plus à l’orgasme de l’homme, violent, intense et bref, il aboutit quelquefois à un vague sentiment d’inachevé.
L’orgasme vaginal ou profond n’est pas très différent mais, quand il se produit, il semble que le plaisir passe à la vitesse supérieure, décuple d’intensité, de durée, le corps et l’esprit sont profondément associés dans la jouissance.


L’orgasme de la femme exerce une fascination qui ne se dément pas à travers le temps malgré les représentations stéréotypées et mécaniques qu’en donne aujourd’hui la presse, dite féminine. Une femme qui n’a pas fait l’expérience de l’orgasme se sent frustrée, voire diminuée, souvent coupable. Elle ignore généralement que celles qui lui prodiguent des conseils tous plus inutiles les uns que les autres, n’en savent généralement pas plus qu’elle.

Il semble que la sensibilité affective et émotionnelle plus importante chez la femme que chez l’homme ait des effets contradictoires. En effet, s il existe, chez elle, une plus grande difficulté à entrer dans le processus orgastique, lorsque cette inhibition est levée, l’intensité et la durée sont souvent plus intenses que chez le partenaire. L’abandon, la disparition d’une vigilance protectrice nécessaire à ce paroxysme nécessite une très grande relation de confiance vis à vis de celui-ci. Ce qui explique que l’extase sexuelle est plus fréquemment observé chez la femme que chez l’homme qui, lui, retrouve très rapidement « ses esprits ». N’oublions jamais que la situation « coïtale »était chez nos ancêtres une position de fragilité vis à vis d’éventuels prédateurs.

*: EMC: il existe 3 sortes d’IMC, les spontanées, les provoquées et les mixte, fonction des zones cérébrales concernées. Spontanés: Les transes extatiques mystiques, les crises d’hystérie surviennent dans un certain contexte. Mixtes: Transes chamaniques, de possession. Provoqués à des degrés plus ou moins important: orgasmes, subspace, hypnose, EMDR, méditation, relaxation. Il est fort probable qu’un certain nombre de techniques corporelles puissent être aussi responsables chez certaines personnes d’EMC.

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Auteur/autrice : Patrice Cudicio

Médecin

Sexualités: Le Magazine de toutes les sexualités

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