Comment se forment les couples, suite…

Les attentes

Alexis regarde sa montre, et il prend congé de ses amis, il se hâte de rentrer retrouver sa chérie, de la prendre dans ses bras, l’embrasser et l’entraîner vers la chambre… En même temps, il éprouve une légère tension, il n’aime pas beaucoup la tenue jogging informe qu’elle porte “à la maison”, il rêve de la trouver ardente et passionnée… Peut-être aura-t-elle allumé les bougies, mis une musique douce… Ah, non, on est lundi, aucune chance pour ça. La fête c’est le jeudi soir…

Quand la relation s’installe dans la durée, survient une phase de construction d’habitudes, d’attentes, d’une sorte de culture “nous deux”. Le couple fonctionne sur les présupposés que chacun attribue à la “belle image”, sans toutefois vérifier qu’ils lui appartiennent. Plus le système de valeurs du couple repose sur un idéal d’égoïsme à deux et plus facilement le quotidien se jalonne d’habitudes et d’attentes. Or, quand s’installent les routines, l’autre finit par perdre de son attrait, de son mystère. Les attentes deviennent si présentes qu’elles remplacent peu à peu le goût de la surprise, la spontanéité. Le couple en vient à s’organiser; des plaisirs et les rituels remplacent peu à peu les improvisations créatives, palliant l’extinction de la découverte.

Répéter à l’infini les mêmes gestes, les mêmes mots prend une allure incantatoire, comme s’il fallait conjurer la menace de l’extinction d’une flamme vacillante. Elle parle de “son couple” comme d’une entité virtuelle mise à distance, il évoque “sa chérie” comme une sorte de tyran et feint de craindre ses reproches s’il fait un écart de conduite ou manque à ses “devoirs”.

Le couple peut s’installer très durablement dans cette logique relationnelle: chacun prend ses distances, mais reste relié à l’autre par un fil invisible fait de divers intérêts partagés. Le couple vogue sur un océan ou se succèdent tempêtes et calme plat, faisant escale dans des ports connus à l’abri des surprises. Il n’évolue pas, il garde la nostalgie des premiers temps, et tente avec plus ou moins de réussite de recréer l’ambiance.

Le Ras-le-bol…

Le 3, puis le 4 Février ont passé, Alexis n’a même pas pensé à lui souhaiter sa fête. Véronique est déçue, du coup, elle n’a pas envie de faire le moindre effort, d’ailleurs, en fait-il lui des efforts? Combien de fois lui a-t-elle demandé d’être à l’heure quand ils se donnent rendez-vous et combien de fois a-t-elle attendu en vain, avant qu’il l’avertisse pas sms qu’il ne viendrait pas? Véronique ne compte plus les détails, ce qui n’était qu’un vague doute, est devenu une intuition et tout le prouve: il ne l’aime pas! Du moins pas comme elle voudrait être aimée, au fil des habitudes, il ne fait plus attention à elle.

La phase de construction des attentes peut aussi évoluer vers une attitude comptable des manquements de l’autre: l’accumulation, le ras-le-bol. La substitution de l’improvisation par les rituels minimise sans aucun doute le risque des surprises, mais pousse bientôt chacun à observer impitoyablement les fautes de l’autre. Et tous deux de guetter l’erreur, l’oubli, le manquement pour mieux justifier les reproches qu’ils s’adressent.

Les justifications, même fondées seront désormais comprises comme de nouvelles hypocrisies, des mensonges de mieux en mieux élaborés. Le couple est entré dans une logique d’affrontement, l’autre n’est plus un partenaire mais un ennemi, et l’enjeu de la relation se centre désormais sur les victoires d’amour-propre.

Là encore, cela peut durer très longtemps, chacun campe sur sur son terrain, les conflits deviennent le mode de communication dominant, et, si on parvient de temps en temps à se réconcilier sur l’oreiller, la trêve n’est que momentanée, les hostilités reprennent dès que l’apaisement bienfaisant de l’orgasme se dissipe. Tout s’articule autour d’un contrat tacite que l’autre transgresse d’autant mieux que poser clairement les termes de l’accord risquerait de rencontrer un refus de l’accepter.

Alors, pour mieux éviter de confronter pacifiquement ses attentes, on a préféré faire comme si elles étaient connues et acceptées, et se laisser croire que l’autre aurait du le savoir… Pour éviter de reconnaître ses torts, son manque de courage, et surtout d’admettre qu’on s’est trompé, on trouvera plus économique pour l’orgueil de faire porter à l’autre la responsabilité de la dérive conflictuelle de la relation.

À suivre…

Auteur/autrice : Patrice Cudicio

Médecin

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