L’éjaculation prématurée

Quelle est la nature de ce trouble,et quelles sont les méthodes qui permettent d’y remédier?

Si l’expression éjaculation prématurée, plus juste, remplace parfois celle d’éjaculation précoce, elles ne représentent ni l’une ni l’autre la réalité du trouble. Certains parlent d’éjaculation rapide ; ce qui est encore plus vague.
Nous devons parler plutôt d’absence de contrôle par l’homme du moment de survenue de son éjaculation empêchant sa partenaire d’atteindre l’orgasme (attention, il faut savoir d’une majorité de femmes n’éprouve pas d’orgasme à point de départ vaginal). Et sachant que l’éjaculation survient lorsqu’un certain seuil d’excitation (seuil d’inévitabilité éjaculatoire) est atteint, c’est cette dernière qu’il devra apprendre à maîtriser. Il s’agit donc pour lui de ne pas dépasser ce seuil, sauf lorsqu’il l’a décidé. Ce n’est donc pas un problème de durée, ni d’éjaculation, mais un problème de niveau d’excitation et d’adaptation à sa partenaire.

L’éjaculation prématurée peut être considérée comme un véritable phénomène socio-culturel,

En effet ce n’est pas une maladie et il n’y a pas d’organe malade. Pratiquement tous les hommes ont été à un moment ou un autre de leur vie sexuelle éjaculateur prématuré.
L’acte sexuel est avant tout chez l’homme comme chez tous les mammifères un acte à visée reproductrice; l’homme serait en fait biologiquement programmé pour éjaculer en 1 à 2 minutes, ce qui est largement suffisant pour procréer! Et pendant des générations et encore à notre époque dans certaines cultures, la rapidité a été synonyme de virilité. L’émancipation féminine survenue très récemment est en fait la “responsable” de l’émergence de ce trouble; en effet tant que le plaisir sexuel fut un domaine réservé à l’homme, il ne pouvait exister, en tant que tel.


Cette révolution sexuelle s’est faite dans notre monde occidental avec l’invention de la “pilule” qui a permis à la grande majorité des femmes d’accéder à la contraception, changeant ainsi le sens de la relation sexuelle qui de procréatrice et contractuelle (le devoir conjugal) pouvait enfin devenir ludique. La jouissance devenant aussi une affaire féminine, cela obligeait l’homme à modifier son comportement sexuel et à s’adapter à cette nouvelle femme non plus soumise comme auparavant. L’inadaptation à cette nouvelle donne s’est caractérisée par ce que nous appelons l’éjaculation prématurée.

L’éjaculation prématurée est-elle aussi un phénomène névrotique?

Sans aucun doute: la prise de conscience de cette incapacité à s’adapter à l’autre c’est à dire à maîtriser le moment de survenue de son éjaculation, va déclencher chez beaucoup une névrose d’angoisse aggravant le trouble. Nous savons en effet que le plaisir vaginal de la femme a besoin de temps. L’échec à se conformer à un idéal sexuel ou la frustration exprimée par la partenaire vont déclencher une successions de réactions source d’angoisses. Cela aboutira souvent à une diminution du désir et même à une impuissance.


Le cercle vicieux s’installe: échec, angoisse de l’échec, échec, etc…
Quant au “vagin denté” grand consommateur de “zizis”, il fait partie d’un folklore psychanalytique, devenu aujourd’hui désuet. Il y a encore une dizaine d’année, la psychanalyse expliquait l’éjaculation prématurée par la peur inconsciente pour l’homme d’être castré, du fait de l’envie de pénis de la femme; il lui fallait donc faire vite au risque d’y perdre sa virilité!

Pour comprendre l’éjaculation prématurée sur le plan relationnel, on admet que la sexualité s’exprime selon deux axes: un axe pulsionnel et un axe relationnel. 

La dimension pulsionnelle est celle qui motive l’individu dans son adolescence et adulte jeune; elle a pour substrat nos gènes qui nous poussent à procréer. Elle vise à la satisfaction immédiate et à la résolution de notre excitation sexuelle. Nous pourrions dire qu’elle est primaire dans le sens où elle nous identifie le plus aux mammifères de notre espèce. Elle se renforce avec l’activité masturbatoire qui permet à l’homme d’initier la mécanique éjaculatoire et d’en découvrir sa récompense, c-a-d le plaisir par sécrétion d’endorphines 
La dimension relationnelle, est celle dans laquelle la notion de jeu devient essentielle. L’homme joue avec son excitation pour la maintenir à un niveau élevé le plus longtemps possible afin d’augmenter l’intensité de sa jouissance et surtout de maintenir la relation ludique avec la partenaire. Elle nécessite toute la créativité et l’imagination qui sont des caractéristiques exclusivement humaines.


Mais ce jeu relationnel requiert de l’homme un apprentissage essentiel, gage de la durée de l’acte; il lui faut donc apprendre à diriger la focalisation de son attention: de manière plus explicite, il doit apprendre à caresser le sexe de sa partenaire avec son sexe et non pas le sien avec le sexe de sa partenaire, passage d’une perception propioceptive à une perception extéroceptive. Lorsque ses “antennes sensorielles”sont dirigées vers l’extérieur, son excitation ne va pas augmenter et le contrôle est facile, par contre lorsqu’elles sont dirigées vers l’intérieur, il amplifie son excitation et son contrôle devient beaucoup plus difficile.
En résumé, il s’agit d’abandonner le schéma masturbatoire ego-centrique caractéristique le l’adolescence, c’est-à-dire de l’immaturité pour passer à un schéma visant l’altérité.
Il ne s’agit plus de se servir de l’autre, mais de donner à l’autre.

Quelques Interrogations?

Certains hommes ne se plaignent jamais d’éjaculation rapide
En effet! Je me suis également posé la question et j’ai pu trouver quelques réponses.
-Le détournement d’attention qui consiste à penser à quelque chose de peu agréable, voire même désagréable.Il peut diminuer l’excitation, et retarder de ce fait l’éjaculation.
L’efficacité est modérée et peut satisfaisante surtout pour la ou le partenaire.
-Une autre technique, un peu plus intéressante est d’éjaculer une heure avant le rapport en se masturbant. L’excitation sera moins forte et le rapport un peu plus long. Ce n’est valable que pour les jeunes qui peuvent récupérer rapidement une excitation satisfaisante. Avec l’âge, la récupération est plus longue et le retour à une bonne érection plus difficile.
-L’alcool ou quelques autres substances illicites: elles diminuent l’excitation et donc… Ce n’est certainement pas la solution, mais explique la survenue d’éjaculation prématurée qualifiée de secondaire.


Une anecdote: Sébastien 26 ans vient consulter car il se plaint depuis quelques temps d’éjaculer trop rapidement. Le problème est apparu lorsqu’il a commencé à avoir une relation régulière avec Zoé. Elle ne s’en plaint pas particulièrement. Par contre Sébastien développe de plus en plus une angoisse de l’échec ou de performance aggravant le problème jusqu’a présenté parfois une éjaculation « ante-portas », avant la pénétration. Auparavant, il n’avait pas ce problème. Il faut dire que ses précédentes relations se faisaient dans un contexte festif, avec une consommation excessive d’alcool ou autre psychotrope. En fait l’éjaculation rapide primaire (présente dès le début de sa vie sexuelle) était masquée par l’alcool, le cannabis ou autre.


L’âge et celui de la relation peuvent altérer le désir et de ce fait l’excitation et donc rendre l’éjaculation plus difficile. Il faut dire que nombreuses sont les femmes qui après quelques années de vie de couple, prises par le travail, les enfants et l’intendance n’ont que peu de désir sexuel. Un rapport rapide permet d’assurer le « minimum syndical! »sans remettre en question le couple.


Paul 45 ans vient consulter car il n’est pas satisfait de ses rapports. Il trouve que son épouse a peu de désir et il pense qu’il en est responsable car il éjacule trop rapidement (selon les normes véhiculées par les média). Je lui pose quelques question sur son anatomie: son érection est-elle de bonne qualité, ne présente-t-il pas un phimosis ou une brièveté du frein? Rien de tout cela.
Son épouse se plaint-elle du problème; pas vraiment, si ce n’est que parfois, elle dit qu’elle n’a pas très envie, qu’elle est fatiguée, qu’elle a la migraine…Il pense donc, comme beaucoup d’homme qu’il ne la satisfait pas sexuellement à cause de son éjaculation précoce.
Je lui demande de revenir consulter avec elle pour mettre en place une thérapie de couple: il s’agit d’ exercices associant les techniques comportementales du Squeeze et du Stop and Go.
Lors de la 2ème consultation, il vient donc avec son épouse Sophie, 39 ans. Elle semble tout à fait compréhensive et partie prenante.
Mais lors de la 3ème consultation, il est à nouveau seul et me demande s’il est possible de résoudre ce problème margé tout car son épouse ne souhaite plus revenir après une tentative d’exercice infructueuse. « C’est ton problème !» lui dit-elle!


Difficile à résoudre. Il est possible de lui prescrire de la Dapoxetine « Priligy® », dérivée d’antidépresseur; si celle-ci retarde de quelques minutes l’éjaculation, pas plus de 4 mn, c’est au prix de nombreux effets secondaires, surtout qu’il faut, en plus, programmer le rapport sexuel. Solution très romantique! Ce produit n’a que peu d’intérêt si ce n’est pour le laboratoire fabricant! Et même si les rapports sont un peu plus longs, ils restent aussi peu fréquents.


Thomas 50 ans vient consulter également pour une éjaculation rapide, mais qui ne survient qu’avec son épouse Hélène 46 ans. Ils vivent ensemble depuis 25 ans. Les rapports sont de moins en moins fréquents et peu satisfaisants. Les enfants ayant grandis et son travail un peu moins prenant, il a rencontré récemment une jeune femme de 15 ans sa cadette. « C’est étonnant, je n’ai plus cette même difficulté. Il faut dire que Pauline est très différente, plus active, plus sensuelle. Et j’ai vraiment envie de lui donner du plaisir. Je suis surpris du temps que nous passons à nous caresser, à jouer avant d’en arriver à la conclusion ».


Et c’est sans aucun doute là que se trouve la solution d’un symptôme qui n’en est pas un!
Enfin et pour conclure ce paragraphe: une technique assez particulière, plutôt pratiquée dans le monde Gay et BDSM: le « Milking  (traite en français)»: Il s’agit d’introduire un doigt dans le rectum et de masser régulièrement la prostate. Au bout d’un temps plus ou moins long, une éjaculation baveuse, c-a-d sans orgasme, va survenir, décongestionnant ainsi la partie de l’urètre située dans la prostate et les vésicules séminales. L’excitation étant toujours présente, il est beaucoup plus facile, mais pas nécessaire de prolonger le jeu sexuel.

En résumé, pour résoudre l’éjaculation prématurée quatre conditions sont nécessaires:
– L’apprentissage du contrôle de son excitation sexuelle, c’est-à-dire son évaluation afin qu’elle se maintienne en-dessous du seuil d’inévitabilité éjaculatoire.
– La suppresssion de l’angoisse de l’échec.
– Développement d’une attention portée de l’autre plutôt qu’à la sienne
-Maîtriser la situation en ne se laissant pas entraîner par sa partenaire.

La meilleure technique pour résoudre cette difficulté sexuelle et ce de manière définitive est l’hypnose. Elle permet véritablement de changer le « programme »mental, ce que ne font pas les thérapies comportementales qui peuvent apporter néanmoins une certaine amélioration

Vous souhaitez consulter: sexothérapeute, hypnothérapeute, thérapie de couple

Auteur/autrice : Patrice Cudicio

Médecin

Sexualités: Le Magazine de toutes les sexualités

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