Ce texte malgré sa longueur devrait intéresser voire plaire à de nombreuses femmes. Vos commentaires nous permettront de le savoir!
Une psychologie du bonheur dans l’air du temps.
Dans un concert de nombreuses notes contribuent à l’harmonie de l’ensemble. De même, dans les rapports entre hommes et femmes, de nombreuses variantes sont possibles. Ainsi, il existe des hommes qui éprouvent – parfois à contrecœur et sans oser se l’avouer – un besoin vital de se soumettre à la femme qu’ils aiment et admirent. Selon certaines philosophies, la nature a fait que, au sein de la société, d’aucuns sont nés pour servir et obéir, d’autres pour dominer. Ces hommes trouveront donc en face d’eux des femmes dotées d’une autorité naturelle, lassées de l’arrogance conquérante et du sentiment de supériorité de la plupart des hommes, lesquels n’hésitent pas à leur imposer leur volonté et leur domination. D’autres encore, surtout aux Etats-Unis, estiment qu’il appartient à la femme – à toutes les femmes – de diriger l’homme qui a trouvé grâce à ses yeux, à l’homme de se courber sous sa volonté (voir le livre de Terrence C. Sellers, Dominant Women/Submissive Men).
Quoiqu’il en soit, l’homme que sa nature profonde, ou le désir d’établir des rapports amoureux sortant de la banalité, ou le goût du jeu de rôles pousse à se soumettre de plein gré n’est pas un malheureux, car, à l’instar du cheval ou de l’éléphant, plus il sent la main ferme qui le dirige, plus il s’épanouit; et plus aussi il s’attache à la femme qui lui impose son autorité.
L’homme soumis, fasciné par la ferme volonté d’une femme aimée, l’est aussi par son charme et sa présentation. Alors sa propre volonté fond comme la neige au soleil: il ressent un besoin irrésistible de s’incliner devant cette femme enchanteresse. De même que le bœuf ne peut s’empêcher de brouter l’herbe, de même l’homme soumis ne peut faire autrement – c’est plus fort que lui – que d’obéir à celle qui l’ensorcelle, de la servir avec joie, de l’approcher avec déférence et adoration.
A son tour, la femme exigeante trouve dans l’homme soumis un partenaire idéal, car elle découvrira en lui un être certes viril, mais serviable, docile et zélé, toujours prêt à prévenir ses moindres désirs, à prendre soin de sa personne, de ses vêtements, de son logement. L’homme soumis est en quelque sorte l’instrument complaisant du bien-être et du bonheur de la femme au caractère fort. Dans le domaine des relations intimes, l’homme soumis ne se montrera pas envahissant car il sait qu’il n’a pas un droit acquis sur elle. Se préoccupant prioritairement du plaisir de sa compagne, il se contentera des faveurs qu’elle voudra bien lui accorder à son rythme à elle, d’autant plus qu’un homme affamé se montre plus empressé qu’un homme repu. La raison de vivre d’un homme soumis volontairement à sa compagne se résume en deux mots : servir, obéir, vénérer.
Le bonheur requiert de vivre en accord avec soi-même. Entre ces deux êtres que sont la femme dominante et l’homme soumis, il y a donc une totale complémentarité , chacun répondant parfaitement aux besoins vitaux de l’autre. On peut parler d’une véritable symbiose au sens biologique du terme.
Quelques modèles historiques
Les grands sages
L’histoire nous fournit de nombreux exemples d’hommes de valeur se soumettant à la grâce féminine. Socrate (Fig. 1) , le grand philosophe, se soumettait de bonne grâce à l’autorité despotique de son épouse Xanthippe, Aristote (Fig. 2) à celle de Phyllis. Hercule, le célèbre héros, accepta de devenir pendant un temps, l’esclave d’Omphale, reine de Lydie, laquelle l’accablait de travaux dégradants, avant de s’en servir comme esclave sexuel. La magicienne Circé, dont les charmes faisaient tourner la tête à tous les hommes, sauf à Ulysse, qui l’approchaient, transformait ceux-ci, à l’aide de sa baguette magique, en animaux dociles rampant à ses pieds.
Aux pieds d’Omphale
Le héros de cette histoire est Hercule, symbole de la force virile et du courage. Hercule avait perpétré un crime : il s’était rendu coupable de meurtre sur la personne d’un honorable citoyen : Iphitos. Étant à l’abri de poursuites judiciaires en raison de son rang social, il se rendit au temple et demanda aux prêtres ce qu’il devait faire pour se laver de cette faute. Les prêtres répondirent qu’il devrait travailler comme un esclave pendant trois ans et qu’il devrait obéir au doigt et à l’œil à son maître, qu’il devrait faire tout ce qu’il lui commanderait de jour comme de nuit et ceci pendant trois ans. Hermès, patron de toutes les transactions financières importantes et l’exécuteur du contrat, vendit le héros et, par la suite, remit l’argent de la vente, trois talents d’argent aux enfants d’Iphitos.
Il fut acheté par Omphale, une femme qui s’y entendait en affaires. Ainsi commença le rôle d’esclave de Hercule. Sa maîtresse était Omphale, la belle veuve de Lydie, dont il assouvissait tous les désirs et toutes les volontés. D’après les dires, il paraîtrait qu’il n’eut pas trop de mal à exécuter ce rôle d’esclave. Au contraire, on dit qu’il y passa de beaux jours et qu’il remémora toujours plus tard ses jours passés à Sardes en Lydie. Il lui rendit de loyaux services pendant trois ans, accomplissant des corvées domestiques, mais aussi lui servant de garde de corps en débarrassant la région (l’Asie Mineure) des brigands qui l’infestaient.
Hercule ne quittait pas sa maîtresse d’une semelle. Ils passaient ensemble les jours comme les nuits, l’un à coté de l’autre. Ensemble ils tissaient et faisaient des broderies. Ils se rendaient ensemble à la campagne, dans les vallées, qui sentaient bon le thym et la menthe. Ils se lavaient afin de se rafraîchir dans l’eau des rivières. Omphale, même si elle était une princesse et une femme d’affaires, n’était qu’une femme et même une très belle femme ; et Hercule, même si ce n’était qu’un esclave, était un homme fort et robuste. Ils finirent donc par s’aimer. Cet épisode a inspiré le beau roman d’Henri Raynal, Aux pieds d’Omphale (Jean Jacques Pauvert, éditeur, 1957). Car Omphale avait acheté Hercule comme amant, plutôt que comme guerrier. Pour briser son caractère de guerrier et de macho, Omphale eut à son égard d’étranges exigences. Elle l’obligea parfois à s’habiller en femme et lui apprit à filer. On représente souvent le héros filant aux pieds d’Omphale. Des nouvelles parvinrent en Grèce annonçant qu’Hercule avait quitté sa peau de lion et sa couronne de tremble et portait maintenant des colliers de pierreries, des bracelets d’or, un turban de femme et un châle pourpre. Il passait son temps, disait-on, entouré de jeunes filles lascives et débauchées filant et tissant la laine; et qu’il tremblait lorsque sa maîtresse le grondait parce qu’il s’y prenait mal. Elle le frappait de sa pantoufle d’or quand ses gros doigts malhabiles écrasaient le fuseau, et lui faisait raconter, pour la distraire, ses exploits passés; mais il n’en éprouvait apparemment aucune honte. Il devint le père de ses trois enfants. D’après les dires, il paraîtrait qu’il n’eut pas trop de mal à exécuter ce rôle d’esclave. Au contraire, on dit qu’il y passa de beaux jours et qu’il remémora toujours plus tard ses jours passés à Sardes en Lydie.
Ainsi, un jour qu’Hercule et Omphale visitaient les vignes de Timolos, elle vêtue d’une robe rouge brodée d’or, les cheveux ondulés et parfumés, lui, portant également un parasol d’or au-dessus de sa tête, Pan les aperçut du haut d’une colline. Il tomba amoureux d’Omphale et dit adieu aux divinités de la montagne: » Désormais, c’est elle seule que j’aimerai « , s’écria-t-il. Omphale et Hercule arrivèrent à la grotte retirée où ils se proposaient de se rendre et où il eurent la fantaisie de faire l’échange de leurs vêtements. Elle l’habilla d’une ceinture en filet transparente, ridiculement étroite pour lui, et lui passa sa robe rouge. Bien qu’elle ait déboutonné celle-ci le plus possible, il fit craquer les manches; quant aux cordons de ses sandales, ils étaient trop courts et n arrivaient pas à croiser sur son pied. Après avoir dîné, ils allèrent se coucher dans des lits séparés ayant décidé de faire le sacrifice de l’aube à Dionysos, qui requiert que les sacrifiants soient en état de pureté. A minuit, Pan se glissa dans la grotte, et en tâtonnant dans l’obscurité il atteignit ce qu’ il prit pour le lit d’Omphale parce que la personne qui l’occupait avait des vêtements de soie. En tremblant, il releva les couvertures dans le bas du lit et se faufila à l’intérieur, mais Héraclès s’étant réveillé, releva sa jambe et le projeta au fond de la grotte Omphale, qui avait entendu un bruit de chute et un grand cri, se jeta hors de son lit et demanda des torches; quand les lumières arrivèrent, Héraclès et elle se mirent à rire aux larmes à la vue de Pan recroquevillé tout endolori dans un coin en train de se frotter le dos. Depuis lors, Pan voua une haine farouche à tout vêtement et demanda à ses adeptes de venir nus célébrer ses rites c’est lui qui, pour se venger, fit courir le bruit que cet échange bizarre de vêtements avec Omphale était un vice et qu’ils en étaient l’un et l’autre coutumiers.
Circé
Magicienne qui habitait l’île d’Aéa, Circé était la fille d’Hélios et de l’océanide, Perséis. Douée de pouvoirs extraordinaires, capable de faire descendre du ciel les étoiles, elle excellait dans la préparation de philtres et de breuvages de toutes sortes, propres à transformer les êtres humains en animaux dociles rampant à ses pieds. Selon l’odyssée, Ulysse envoya à la découverte de l’île Aeaea vingt trois compagnons; ils furent changés par la déesse en pourceaux, sauf Euryloque qui réussit à venir l’avertir. Le héros, guidé par Hermès qui lui conseilla de mélanger à son breuvage la plante magique appelée moly, se fit aimer de Circé et obtint que ses compagnons reprennent leur forme humaine.
L’amour courtois
Lorsqu’il cherche à se référer à un modèle culturel plus récent, l’homme soumis puisera son inspiration dans le mythe du chevalier servant (voir Denis de Rougement, L’Amour et l’Occident, Plon 1972). A l’époque de la chevalerie, les mœurs rudes de l’époque se sont soudain affinées avec l’apparition du chevalier errant. Certaines dames, reines, princesses ou châtelaines, s’attachaient les services d’un chevalier qui leur vouait un amour parfois impossible, avec la complaisance de leur mari, le châtelain. Le chevalier servant, reconnu et accepté par elle comme tel, s’engageait à appartenir à la Dame de son cœur, à la servir avec empressement, à lui vouer une vénération exclusive, et cela sans espoir de retour. La Dame adorée, laquelle était désormais sa maîtresse et souveraine, était au centre de toute son attention. Certains chevaliers à la veine poétique devinrent troubadours et chantaient des poèmes à la gloire de leur Dame (voir René Nelli, L’érotique des troubadours, Plon 1974). Sans jamais abandonner tout espoir – et en vérité, il y eut des cas où son assiduité fut récompensée – le chevalier servant sublimait ses élans amoureux dans le cadre d’une liaison platonique. Lui refusant son corps, la Dame de son cœur lui octroyait cependant des baisers, des caresses, voire même un gage d’affection sous forme d’un mouchoir, d’un foulard ou d’un bas que le chevalier portait sur son cœur ou qu’il pressait contre ses lèvres quand il partait au combat pour défendre l’honneur de sa dame. Il s’en suivit que les relations entre amant et maîtresse (on voit là l’origine du mot!) dans certains milieux d’abord, puis au sein de la société en général, devinrent plus raffinées. Ce fut le début de la courtoisie, le chevalier ou l’amant devant courtiser la dame adorée, c’est-à-dire, lui faire la cour en la servant. Même le roi n’entrait dans le lit de la reine que lorsqu’il était invité dans sa chambre somptueuse et lorsqu’il s’y était dûment préparé.
Du raffinement érotique
Pour revenir à notre époque, on peut penser que, contrairement aux apparences, l’homme soumis, loin d’être un handicapé psychique ou un pauvre d’esprit, est au contraire un pionnier, un mutant peut-être, dans son approche des relations entre hommes et femmes, augurant d’une ère nouvelle dans un monde de plus en plus sauvage. Car cette approche rompt avec l’habitude de l’homme de considérer la femme comme une proie à conquérir, une proie qu’on courtise, il est vrai, mais qu’on domine dès qu’elle a cédé aux avances de l’homme. Elle rompt aussi avec la monotonie pornographique sur papier glacé. Car l’amour, la sexualité, l’érotisme requièrent un minimum de mystère pour être
Peut-on expliquer le phénomène de la soumission volontaire à la femme autrement que par une simple singularité psychologique ou une déviation pour être plus clair ? Y aurait-il éventuellement une raison naturelle à se soumettre au pouvoir féminin ? Bien que cet aspect mériterait un approfondissement, nous nous bornons ici à l’évoquer dans son expression de piste de réflexion, sous risque de paraître superficiel. Un des traits caractéristiques de la féminité est d’être particulièrement sensible à l’admiration, n’en déplaise aux adeptes de la misogynie. Cette admiration à laquelle pratiquement aucun homme ne peut échapper, est focalisée d’instinct sur les valeurs positives que sont la grâce, la beauté, l’esthétique. Aucune femme ne renonce à accentuer et à souligner ces valeurs, ne serait-ce qu’en se servant de son bâton de rouge à lèvres. Or, l’admiration est un sentiment d’émerveillement devant ce qu’on juge supérieurement beau ou grand. L’homme amoureux (ou feignant de l’être pour arriver à ses fins !) se montre toujours attentionné, empressé, serviable, adoptant une attitude soumise vis-à-vis d’un être présumé supérieur, la femme. Tout homme follement amoureux tend à idolâtrer l’objet de son amour. L’admiration implique donc intrinsèquement une forme de subordination, de soumission.
En quoi se distingue la sexualité ordinaire, celle du plus grand nombre, d’une approche qu’on peut décrire comme étant un érotisme raffiné ? Le mécanisme de la sexualité ordinaire est le suivant : approche de la femme convoitée dans un esprit de chasseur ; souvent recours à un imaginaire pornographique, ainsi qu’à un vocabulaire vulgaire et dévalorisant pour la femme ; recherche de la satisfaction rapide d’un besoin biologique et animal ; passage à l’acte le plus rapidement possible, avec ou sans sentiments ; banalisation progressive de la relation entre les partenaires et chute de la tension amoureuse.
L’adepte d’un érotisme raffiné au contraire s’abstient d’exiger ou de forcer l’accomplissement d’un acte parfois traumatisant, destiné avant tout à assouvir des instincts égoïstes. Il procède tout en douceur, en suggérant, en découvrant, en dévoilant, en explorant, en caressant sans jamais forcer, en cherchant à créer avant tout une ambiance propice à l’éclosion d’un sentiment sublime et à l’accomplissement d’un acte à un moment où les deux partenaires auront atteint un état d’harmonie suprême. De nombreux facteurs contribuent à atteindre cet état : des caresses subtiles, le raffinement d’un maquillage, le crissement d’un tissu sur la peau, les mèches d’une chevelure, les plis d’un vêtement, les fragrances d’un parfum, les harmonies d’une musique, des jeux de rôles amoureux..
Entre les deux extrêmes, il existe bien entendu des approches intermédiaires, selon l’attitude plus ou moins attentive de chaque homme.
Or, il ne fait pas de doute que l’homme soumis, le chevalier servant, est le mieux préparé parmi les hommes pour savourer l’approche raffinée dont la durée et l’aboutissement ne sont pas prévisibles, car dépendant de l’état de préparation de la femme. Renonçant, du moins momentanément, à une réalisation immédiate, il doit, par la force des choses, cultiver l’art du raffinement érotique. Tout en l’aimant et en la désirant passionnément, il n’imposera à sa princesse aucun geste déplacé, non souhaité par elle. Il dormira à ses pieds, à côté de son lit, voire dans la chambre voisine tant qu’elle ne l’y a pas invité, lui prodiguera des caresses à la mesure de ce qu’elle est prête à accepter, considérant son corps comme un autel auquel il aspire à rendre hommage (voir René Nelli, l’érotique des troubadours). Mais, surtout, son exaltation érotique est permanente et durable, car elle ne se nourrit pas seulement de l’accomplissement momentané d’un acte : elle est alimentée à chaque instant par la fascination et l’autorité que sa partenaire exerce sur lui. C’est pourquoi sa maîtresse a elle aussi intérêt à entretenir la flamme de son chevalier servant, si son dévouement lui convient et lui est agréable. Tout en se servant de lui pour son propre confort, elle lui prodiguera bienveillance et affection et, si elle est sensible à ses assiduités, des encouragements, pour lui indiquer que son parcours n’est pas vain.
La sublimation de la passion amoureuse ne semble pas être une spécificité de la culture occidentale. Pour illustrer notre propos, rappelons cette belle légende qui nous vient d’Afrique. Pour des raisons politiques, une princesse du Rwanda est promise à un prince du Burundi. Le jour de son départ pour le Bµrundi, sur sa route, un jeune homme tombe amoureux d’elle. Elle ignore que c’est le prince héritier du Rwanda. Le jeune homme languit et se laisse mourir d’amour. Au bout de quelques semaines, un conseiller du roi du Rwanda l’habille en femme et l’amène auprès de la belle pour y passer une nuit d’amour. Le lendemain de la nuit mémorable, le prince rassemble ses guerriers qui l’avaient attendu aux confins du Rwanda. Il livre une bataille au prince du Burundi ; en sort vainqueur et repart ave c la princesse.
Le prince du Burundi se jette dans la poussière et implore la princesse :
– Sache que je t’aime plus que quiconque. Puisque je ne peux pas être ton mari et ton prince, amène-moi comme ton esclave !
La princesse réfléchit puis elle dit :
– Si tu m’aimes tant, prends ton épée et châtre-toi !
Le prince s’exécuta sur le champ.
La princesse l’amena avec lui, se maria avec le prince du Rwanda, devint reine. Elle mourut au bout de trois ans, laissant le roi son mari seul en compagnie de son adorateur. Les deux, à présent amis intimes, ne parvinrent pas à se consoler.
L’homme de respect, le chevalier servant, est parmi les hommes le mieux préparé pour savourer l’approche raffinée dont la durée et l’aboutissement ne sont pas prévisibles, car dépendant de l’état de préparation de la femme courtisée. Renonçant, du moins momentanément, à une réalisation immédiate du désir, il lui incombe, par la force des choses, de cultiver l’art du raffinement érotique. Tout en l’aimant et en la désirant passionnément ; il n’imposera à sa princesse aucun geste intempestif, déplacé, non souhaité par elle. Il dormira le cas échéant à ses pieds, à côté de son lit, voire dans la chambre voisine tant qu’elle ne l’y a pas convié, il lui prodiguera des caresses à la mesure de ce qu’elle est prête à accepter, considérant son corps comme un autel auquel il aspire à rendre hommage. Mais, chose importante, son exaltation érotique est permanente et durable, car elle ne se nourrit pas seulement (ne s’épuise pas dans) de l’accomplissement momentané d’un acte, d’un désir : elle est alimentée à chaque instant par la fascination que sa partenaire exerce sur lui.
C’est pourquoi la dame a elle aussi intérêt à entretenir la flamme de son chevalier servant, si son dévouement lui convient et lui est agréable. Tout en se servant de lui pour son propre confort, elle lui prodiguera bienveillance et affection et, si elle est sensible à ses assiduités, des encouragements pour lui indiquer que son parcours n’est pas vain.
Le pacte gynarchique
Nous avons vu que certains hommes, de plus en plus nombreux , présentent la particularité psychologique d’être d’autant plus dévoués à une femme que celle-ci se montre autoritaire voire dominante. L’autorité féminine déclenche chez ces hommes un désir de se soumettre, associé à un sentiment d’excitation et de bonheur. Il est important de ne pas confondre l’homme soumis avec un masochiste. Ce dernier ne recherche généralement qu’un plaisir égoïste, dans un décor en dehors de la réalité. Sa « maîtresse » est généralement une actrice jouant un rôle selon le scénario établi par lui. Beaucoup de femmes ne comprennent pas qu’un homme veuille se soumettre à leur autorité. Qu’elles sachent que c’est le seul moyen pour elles de ne pas voir fléchir l’ardeur que leur homme leur témoigne. L’homme qui se croit en pays conquis, voit souvent tomber rapidement sa passion, parfois dès le lendemain du mariage ! Même quand cet homme n’est pas soumis par nature, elles auraient tout intérêt à l’y habituer et à l’inciter à perpétuer l’attitude déférente dont il faisait étalage pendant qu’il la courtisait. Lorsque, comme en ce moment, un ami me demande : tu as des nouvelles de la petite princesse ? (pour être précis, il s’agit d’une jeune femme de 24 ans dont il n’est pas du tout amoureux), c’est que cette jeune femme l’a impressionné par son autorité naturelle alliée à une certaine grâce. On n’emploie pas une telle expression à propos de n’importe quelle fille. Il est des femmes qui, par leur attitude, donnent l’impression qu’on peut se permettre d’en faire ce qu’ont veut, qui provoquent les gestes agressifs, insolents, méprisants, il en est d’autres au contraire qui savent inspirer le respect, tout en étant coquettes et séduisantes.
Lorsqu’une femme éprouve le même sentiment d’excitation et de bonheur vis-à-vis d’un homme docile, respectueux et déférent, et que les deux partenaires, après une période d’essai, décident de vivre ensemble, ils concluent un pacte dit gynarchique. L’homme soumis s’engage à appartenir à sa partenaire, à lui obéir sans discuter, à la servir avec empressement, à lui vouer une vénération exclusive. La femme dominante, laquelle est désormais sa maîtresse et souveraine, – ou, pour parodier une expression stéréotypée encore couramment employée par certaines femmes parlant de leur conjoint comme de leur « seigneur et maître » – leur « seigneure « et maîtresse, sera désormais le centre de toute son attention.
Dans le domaine des relations sexuelles, l’homme soumis qui a signé le pacte, n’a aucune prétention à faire valoir, car il doit se préoccuper essentiellement du plaisir de sa maîtresse. Il doit être toujours disponible pour assouvir ses appétits et ses caprices, et cela de la manière la plus zélée. Il aura à coeur de tout faire pour lui plaire et lui être agréable. Il doit se contenter des plaisirs qu’elle veut bien lui accorder, d’autant plus qu’un homme affamé se montre plus empressé qu’un homme repu. Toutefois, sa maîtresse adorée a aussi intérêt a entretenir sa flamme, notamment en explorant et en découvrant les faiblesses de son homme soumis (chaque homme a un point faible qui le rend complètement à la merci d’une femme qui sait s’en servir : cela peut être une pièce d’habillement, un parfum, une mèche de cheveux, une façon de rire, un comportement spécial parfois bizarre). Sans s’en rendre esclave à son tour et sans le gâter, elle en tiendra parfois compte, quand cela lui chante, pour l’exciter davantage, aux fins de renforcer encore son autorité sur lui.
Dans une telle relation, il est très important que la maîtresse – nous retrouvons ici le sens originel du terme ! – ne confonde pas domination et méchanceté gratuite : il n’y a vraiment aucune raison de mépriser cet homme, cette perle rare qui ne demande qu’à faire ses quatre volontés. Ce serait le signe d’une grande immaturité et une telle femme ne mérite pas mieux qu’un partenaire macho. Une femme qui ne peut respecter qu’un homme roulant les mécaniques doit en tirer les conséquences. L’auteur a fait l’expérience de se laisser dire : toi tu es un vrai homme, parce que tu m’obéis. Quel beau compliment ! Cela lui est arrivé au magasin de chaussures, quand, à genoux et ignorant les autres clientes, il a déchaussé et rechaussé sa maîtresse le temps qu’il fallait pour essayer quelques paires de chaussures. L’autorité féminine s’accompagne normalement de gentillesse et de bienveillance et, pour le moins, de la même affection que l’on témoignerait à son animal préféré. Cela n’empêche pas la maîtresse d’avoir ses moments de colère, d’être injuste envers son adorateur si elle en a envie, et même peut-être de le gifler en public pour se calmer les nerfs.
La femme dominante, tout en se servant de son homme soumis pour son propre confort, s’engage donc par le pacte à lui prodiguer bienveillance et affection. De même que la cavalière veille au bien-être de son cheval, il est dans son propre intérêt de veiller à ce que son homme, qui est maintenant à sa merci, maintienne sa bonne condition physique et sa santé, de même que son efficience professionnelle, s’il n’est pas homme au foyer. Cependant, quand cela est nécessaire, elle sait se montrer rigoureuse et sévère. Elle a le droit de l’éduquer à plus d’obéissance et d’humilité, et, le cas échéant, de lui infliger sans faiblesse les corrections qu’elle jugera nécessaires, tout en respectant son intégrité physique.
L’homme soumis s’abstiendra de critiquer sa maîtresse, il peut cependant la faire bénéficier de son expérience, en lui proposant humblement ses conseils dans les domaines de sa compétence. Profiter le cas échéant du cerveau et de forces de son ami soumis, ne diminue en rien son autorité, pas plus que si elle utilisait son ordinateur ou si elle dirigeait un éléphant assis sur sa nuque. La maîtresse, tout en prenant les décisions après l’avoir éventuellement consulté, doit s’engager aussi à se montrer responsable et raisonnable dans la conduite de leurs affaires communes pour ne pas mettre leur sécurité matérielle en danger. Elle pratiquera la loyauté et la fidélité autant qu’elle attend ces mêmes vertus de la part de l’homme qui s’est livré et confié à elle.
La base d’une liaison heureuse entre deux êtres réside dans la possibilité pour chacun d’eux de s’épanouir selon ses tendances et ses aspirations profondes, sans préjugés et sans devoir les réprimer, sous prétexte de conventions sociales ou d’habitudes conformistes. Si deux partenaires parviennent à s’harmoniser sur cette base, ils détiennent le secret d’une vie à deux dans le bonheur, à l’abri de l’affadissement résultant de la routine du quotidien.
Auteur anonyme: Genève (il y a quelques années)