Dès le 3ème siècle avant JC,
dans la Chine ancienne, circulent des livres de recettes sexuelles: les « manuels de sexe », recueils de recettes pour une vie sexuelle conforme aux principes du Tao. L’expression « Tao de l’art d’aimer » se réfère à cet art de vivre.
Une vie sexuelle active et satisfaisante
est en effet une sorte d’assurance vie. Plus on s’y plonge avec délectation, plus on augmente sa longévité, et par là son prestige. La sexualité est certes orientée vers la procréation, mais s’inscrit sans doute bien davantage dans des parcours à la fois plus hédonistes et surtout plus spirituels. L’accomplissement de soi, passe par une vie sexuelle active et épanouie. Le Tao de l’art d’aimer apparaît dans la Chine ancienne à l’époque ou la société évolue du matriarcat vers le patriarcat, les hommes et les femmes sont alors sur un pied d’égalité en tant que partenaires sexuels. La sexualité n’est jamais considérée comme un péché, mais comme un phénomène naturel.
Le Taoïsme
s’intéresse au plaisir de la femme, le rôle de l’homme est de l’y conduire, ce qui suppose de sa part la maîtrise de son excitation, le contrôle de l’éjaculation, et un sens de l’observation développé. La voie du Tao est celle de l’harmonie et de l’équilibre, nul ne saurait être lésé dans l’échange sexuel…
De nombreux symboles vont venir s’attacher à la représentation de l’homme, le Tigre blanc et de la femme le Dragon Vert. Peu à peu, le confucianisme pudibond viendra attribuer à l’homme une suprématie démesurée . Pourtant, les manuels de sexe ne seront pas rangés au placard, mais réservés aux ébats des époux et plus particulièrement destinés à l’homme.
A l’origine, le terme « yin » désigne tout ce qui se rapporte au sexe, ce n’est que plus tardivement qu’on lui attribue une signification purement féminine. L’expression « yin tao » signifie « principes de la vie sexuelle ». Ces manuels mettent en exergue l’inépuisable source d’énergie que représente la femme, et donc, c’est en puisant à cette source que l’homme accroît sa propre vitalité et peut même devenir immortel. Pour mettre en pratique ces principes, l’homme doit avoir de nombreuses partenaires et les satisfaire toutes… L’union sexuelle symbolise l’union de la Terre et du Ciel.
Les manuels de sexe
traitent de la meilleure façon de faire l’amour, de faire durer l’acte sexuel, de se donner du plaisir, d’avoir une descendance et de conserver une bonne santé. Ces livres sont tout à fait pratiques, illustrés de dessins précis, ils sont destinés aux couples débutants, les conseils s’adressent autant à l’homme qu’à la femme, mais celle-ci est souvent présentée dans un rôle d’initiatrice, sans doute en référence à un très ancien matriarcat. Le Manuel de sexe fait partie du «trousseau » de la fiancée…
Le livre de Sou Nu
surnommé aussi « La fille de la candeur » n’a jamais été retrouvé, mais il y est fait référence dans une collection de biographies de personnages immortels attribués à Lieo Hsiang (77 – 6 avant JC). La 63ème biographie met en scène une femme nommée Nu Ki, tenancière d’un débit de boissons qui reçut un jour de la part d’un immortel en visite chez elle, en paiement de ses fameux breuvages, le Livre de la Fille de Candeur.
Quand elle le lut, elle comprit qu’il expliquait l’art de nourrir la nature et celui des rapports sexuels. Elle recopia les passages importants, et fit aménager en grand secret une chambre à coucher dans son arrière boutique. Quand ce fut fait, elle y reçut de beaux jeunes gens qui vinrent y déguster ses liqueurs et se prêter aux exercices conseillés dans le livre. La légende veut que, après trente ans de ce régime, Nu Ki semblait encore plus jeune, plus fraîche, qu’à vingt ans. Or, l’immortel revint la voir et lui dit : « dérober le Tao et l’étudier sans un maître, c’est comme avoir des ailes et ne pas être capable de voler ! » Alors, Nu Ki laissa sa boutique et partit en compagnie de l’immortel, nul ne les revit…
Sou-Nu fut la plus célèbre des initiatrices de l’empereur Houang-Ti, grâce à son précieux manuel qui explique en détails les réactions de la femme et ce que l’homme doit faire pour la conduire à l’orgasme. Sou Nu décrit 5 réactions typiques :
« Si la femme désire l’union, l’homme voit sa respiration se modifier.
Si elle désire qu’il la pénètre, ses narines se dilatent et sa bouche s’entr’ouvre.
Si elle désire que monte la marée du Yin, son corps frémit et elle le serre étroitement.
Si elle aspire ardemment à être tout à fait satisfaite, elle transpire abondamment.
Si son désir a été comblé, son corps se détend et elle a les yeux clos comme si elle dormait profondément. »
Les manuels de sexe étaient illustrés et demeuraient près du lit, pour qu’on puisse les consulter et enhardir les plus pudiques. Les plus anciens de ces manuels, datent de l’époque Han, et se présentent sous forme de dialogues entre l’Empereur et l’une de ses initiatrices, voire aussi un Maître. Ces ouvrages inspirés du Tao recueillent l’approbation des confucianistes car ils sont supposés ne concerner que les relations sexuelles entre époux…
Il existe cependant un autre regard sur ces manuels : une lecture ésotérique et alchimique. Les symboles utilisés se réfèrent en effet à un savoir alchimique complexe, et pour réaliser leur grand œuvre l’homme et la femme devront n’en doutons pas, effectuer de nombreuses tentatives sur cette voie d’accomplissement.
Malgré diverses formes de répression à commencer par les interdictions imposées par la doctrine confucéenne, toutes les époques verront surgir des groupes mystico sectaires, prônant une activité sexuelle ritualisée dans le but d’accéder à une voie d’harmonie spirituelle, et même d’atteindre l’immortalité. le Taoïsme, affirmait que l’homme et la femme pouvaient accroître leur énergie, et leur longévité en faisant l’amour, ce qui fut à l’origine de nombreux groupes mystiques pratiquant l’acte sexuel en groupe. Depuis le second siècle de notre ère, jusqu’aux environs de 1950, plusieurs groupes se formèrent qui furent réprimés par les autorités en place…