La petite histoire du préservatif

Mythes et  légendes de l’Antiquité

Antoninus Liberalis, écrivain ayant vécu au second siècle après JC  est l’auteur d’un recueil intitulé “les métamorphoses”. Parmi les légendes qu’il présente, on trouve un texte qui fait explicitement référence à l’usage d’un préservatif.

“ La semence de Minos, roi de Crète, contenait des serpents et des scorpions. Toutes les femmes avec qui il cohabitait, succombaient. C’est pourquoi il épousa Pasiphaé, fille immortelle du roi du soleil. Mais cette union restait stérile. Prokris, fille d’Erechteus s’étant querellée avec son mari Cephalus, se réfugia auprès de Minos. Elle eut l’idée de façonner une gaine avec une vessie de chèvre qui fut introduite dans le vagin d’une courtisane. Le roi Minos se libéra de sa semence venimeuse et s’unit immédiatement après avec Pasiphaé, il put ainsi procréer et eut huit enfants au nombre desquels Ariane et Phèdre.”

Cette légende laisse supposer que les anciens utilisaient des dispositifs contraceptifs et anti-infectieux.  Pourtant, contemporain de Liberalis, le médecin grec Soranos d’Ephèse dont les traités de gynécologie et d’obstétrique feront autorité jusqu’à la Renaissance, ne fait pourtant jamais allusion au préservatif.

Les préservatifs dans l’archéologie

Peintures rupestres, antiques statuettes égyptiennes, divers objets attestent de l’existence d’étuis péniens dont le rôle ne semble pas toujours bien clair.  Au Japon, les fameuses “boîtes joyeuses” ou Kabuta-Gata contiennent un étui en forme de pénis fait d’écaille de tortue, de corne ou de cuir, destiné à la contraception, mais pouvant aussi servir de “tuteur” en cas d’érection défaillante. En Chine, le papier de soie huilé sert à fabriquer des préservatifs depuis le second siècle avant JC; cette technique est encore citée quelques dix siècles plus tard. 

Le Kama Soutra, célèbre manuel indien (environ 4 siècles avant JC) évoque l’utilisation d’anneaux de métal, de bois ou d’ivoire à placer autour du pénis. Il semble toutefois que leur rôle ait été plus celui d’un jouet érotique que d’un dispositif de protection…

Repères historiques

Il ne fait aucun doute que les grecs et les romains utilisaient des préservatifs fabriqués à partir de vessie de chèvre pour les premiers, et de caecum de bouc pour les seconds. Limiter les grossesses et se protéger contre les infections reste le souci majeur. En effet, et contrairement à ce que l’on croit, la syphilis aurait déjà sévi à cette époque comme l’attestent la découverte dans les ruines de Pompei, de squelettes d’enfants atteints de déformations dentaires typiques d’une contamination par la mère au cours de sa grossesse. Il semble aussi qu’ Hippocrate, célèbre père fondateur de la médecine, ait décrit la maladie. D’autres découvertes confirment la présence de la syphilis en Europe. Des squelettes découverts au 13e siècle dans un monastère de Kingston-Upon-Hull, (port du Nord Est de l’Angleterre) portent des traces de déformations osseuses caractéristiques. On comprend alors l’urgence de trouver des moyens de se protéger contre ce mal dont aucune nation ne chercher à revendiquer l’origine.

Au moyen âge, la religion entretient l’ignorance et la culpabilité à propos de tout ce qui concerne la sexualité. L’acte sexuel qui n’aboutit pas à la procréation est condamné, et la contraception considérée comme un crime. Dans un ouvrage intitulé: the fight for acceptance : a history of contraception (Publisher: Medical and Technical Publishing Co, Aylesbury, Bucks, UK Date Published: 1970) , les auteurs Wood, Clive et Beryl Suitters  affirment que les méthodes romaines ont été redécouvertes à cette époque.

Au 16e siècle, Gabriele Fallopio, (1523-1562) anatomiste et chirurgien italien imagine un dispositif destiné à protéger les soldats de la syphilis encore appelée “mal français” ou “mal napolitain”. Il s’agit d’un fourreau de tissu imprégné d’une décoction d’herbes. Mais, il semble cependant que le médecin préconisait de s’en servir après avoir eu des rapports comme une sorte de désinfectant, et non avant pour prévenir la contamination. Le procédé de Fallopio sera repris en 1640 par un professeur de la faculté de médecine de Montpellier.

Au 17e siècle, le mot “condom” fait son apparition en Angleterre pour désigner le préservatif, de nombreuses histoires plus ou moins fantaisistes circulent à propos de l’origine de ce mot. En France, la possession ou la vente de cet objet toujours fabriqué en boyau animal sont interdites. Le roi Louis XIV l’aurait utilisé malgré son inconfort et son manque de sécurité . La Marquise de Sévigné, dans une lettre à sa fille la Comtesse de Grignan  écrivait : « c’est une cuirasse contre le plaisir, une toile d’araignée contre le danger « , Cet aphorisme sera attribué un siècle plus tard, à la baronne de Staël, fille de Necker.

Au 18e siècle, débute la fabrication “industrielle” du condom. Tout commence à Utrecht, ville des Pays bas où se tient en 1712 une conférence internationale devant mettre un terme à la guerre de succession d’Espagne.  La présence de personnages importants attira celle de courtisanes et plusieurs bordels furent alors ouverts. Les maladies vénériennes étaient fréquentes, et pour les éviter, un artisan eut l’idée de fabriquer des préservatifs en améliorant nettement la qualité de ce qui existait auparavant. Certains diplomates présents à la conférence rapportèrent en souvenir d’Utrecht quelques échantillons de ces “petites cuirasses” ce qui donna l’idée à des industriels d’en fabriquer et d’en vendre. Le célèbre libertin Giacomo Casanova (1725-1798) nomme les condom “capote anglaise”, et écrit dans ses Mémoires “ Jamais je n’irais m’affubler d’une peau de mort pour prouver que je suis bien vivant”. Cependant, il finit par en faire une consommation importante et régulière dans un but contraceptif et commente: “ Il y a dix mois, j’aurais appelé cela une invention du diable, mais j’estime aujourd’hui que son inventeur devait être un homme de bien”. En 1736, dans son traité intitulé « De Morbis venereis », le docteur Jean Astruc, professeur à la Faculté de Toulouse  (1684-1766) écrit: « …en Angleterre les grands débauchés, ceux qui passent leur vie dans les bras des prostituées, se servent depuis quelques temps de sacs faits d’une membrane très fine et sans couture, en forme de fourreau et qu’on appelle en anglais condum. Ils en recouvrent complètement le pénis avant le coït, afin de se protéger contre les risques d’un combat dont le résultat est toujours douteux. Ils pensent que, ainsi protégés et la pique bien cuirassée, ils peuvent impunément braver le danger des amours banales « .

Peu à peu l’usage du préservatif se banalise car les maladies vénériennes font des ravages ainsi que le commente Voltaire dans une lettre : “ Quand trente mille homme combattent en bataille rangée contre des troupes égales en nombre, il y a environ vingt mille vérolés dans chaque camp…

Le British Museum de Londres a même exposé les plus anciens préservatifs du monde, vieux de 350 ans, qui avaient été trouvés lors de fouilles menées dans les années 1980 au château de Dudley, dans la région des West Midlands (centre de l’Angleterre). Ces étuis péniens, qui ont été fabriqués avec des intestins d’animaux, sont soigneusement cousus à une extrémité, tandis que l’autre bout comporte un ruban permettant de le maintenir serré une fois en place. Le musée expose des exemplaires remontant aux 16e, 17e et 18e siècles. Ces ancêtres du moderne « condom » étaient, fait remarquable, aussi fins que ceux d’aujourd’hui fabriqués industriellement. Mais ceux du 17e siècle sont plus étroits d’environ 18,5 mm, alors que ceux du 18e siècle sont plus larges d’environ 11,5 mm, ce qui représente une énigme pour les historiens. Selon David Gaimster, expert au British Museum, ces préservatifs « étaient destinés à des hommes fréquentant des maisons closes, qui les utilisaient non pas comme moyen de contraception mais afin de se prémunir contre les maladies vénériennes », notamment la syphilis.

Au 19e siècle apparaît une nouvelle génération de préservatifs. Charles Goodyear (1800-1860) invente en 1839 la vulcanisation, un procédé qui rend le caoutchouc élastique et beaucoup plus résistant , il obtient le brevet en 1844. En 1843-1844 commence la production massive de préservatifs à base de caoutchouc vulcanisé.  La société britannique Mac Intosh, spécialiste de l’imperméable fabrique des préservatifs en caoutchouc vulcanisé lavables et réutilisables.  La qualité est très variable ce qui suscite des opinions contrastées à ce sujet. Pourtant certains médecins français, dès 1877,  comprennent l’intérêt du préservatif: “ En diminuant de façon notable le chiffre et la gravité des maladies vénériennes, ils soulagent d’autant les charges de l’assistance publique et réduisent le nombre des infirmités incompatibles avec le service militaire et les professions nécessitant une santé robuste.

Au 20e siècle. En 1901 apparaît le premier préservatif muni d’un réservoir, et dès 1914 l’objet fait partie du paquetage des soldats allemands, mais pas des français… Bien que la loi condamne les procédés anticonceptionnels et leur publicité, le préservatif, considéré comme un produit d’hygiène et de prophylaxie des maladies vénériennes, échappe à cette censure. Une importante innovation a lieu en 1935: l’utilisation de latex liquide permet de fabriquer de meilleurs préservatifs. Les soldats américains qui débarquent en 1944 ont des préservatifs dans leur paquetage, présentés dans des boîtes rondes, on les surnomme ‘dollars”. En 1950 la société Durex met en vente le premier préservatif lubrifié. On trouve les préservatifs en vente dans les pharmacies, puis dès 1960 dans les sexshops. Mais en 1963, la première pilule contraceptive fait son entrée sur le marché français, ce qui va détrôner le préservatif.

Ce n’est qu’après l’apparition des premiers cas de sida dans les années 80 que, progressivement, le préservatif fait un retour en vogue soutenu par la plupart des pouvoirs publics à travers le monde.

Depuis 1985, les préservatifs sont soumis à des normes AFNOR plusieurs fois réactualisées, et les fabricants à l’affût d’innovations qui pourraient encore améliorer la qualité et la fiabilité du produit.

Depuis 1987 en France, de nombreuses campagnes publicitaires ont été menées par les pouvoirs publics afin de convaincre d’utiliser des préservatifs en prévention du sida. S’adressant notamment à un jeune public , les autorités religieuses n’ont pas manqué de dénoncer ces campagnes et de contester l’efficacité de la méthode.

Si le Vatican est resté longtemps farouchement opposé à l’utilisation du préservatif en raison de son rôle contraceptif, en 1995, les évêques de France publient un livre dans lequel ils reconnaissent l’utilité du préservatif pour se protéger du sida… La publication de la mortalité pour cause de Sida en Europe plaçait la France et surtout l’Espagne (respectivement 88,5 et 139 décès pour 1 million d’habitants) loin devant des pays comme le Royaume Uni ou l’Allemagne (20 à 30 décès pour 1 million d’habitants). Il était clair que l’utilisation du préservatif faisait la différence, ce qui n’a pas manqué d’influencer les avis des évêques français et espagnols.

Le 21 ème siècle voit malheureusement une diminution de son utilisation. Si l’usage de la Prep permet d’éviter le Sida, il ne protège pas des autres IST? On constate une recrudescence de cas de Syphilis,de Gonnococie, d’infection par Chlamidiae et Papillomavirus.

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Auteur/autrice : Patrice Cudicio

Médecin

Sexualités: Le Magazine de toutes les sexualités

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