Le Subspace ou l’extase masochiste du BDSM

L’extase masochiste, ou subspace, chez les anglo-saxons, est un état de transe provoqué lors de scènes BDSM. La réduction du champ de conscience en situation d’abandon – du fait de liens, d’un éclairage tamisé, des yeux bandés, et des sensations régulières du fouet sur le corps, en résonance avec une musique répétitive- va provoquer chez certains soumis, et surtout soumises, un état de transe extatique avec ou sans contact sexuel direct. Le  maître du jeu ou « dom » doit bien connaître sa partenaire et parfaitement maîtriser la situation.  

On y retrouve du fait de la dissociation psychique une abolition de la sensibilité et de la motricité surprenante, voire inquiétante pour les non-initiés à ces pratiques.

Autres extases

Madeleine en extase Le caravage

Il existe bien sûr d’autres formes d’extase, connues depuis fort longtemps.  Des rapports sexuels classiques « vanilles » peuvent parfois provoquer une jouissance intense qualifiée de 7ème ciel. L’Extase des mystiques : Marie-Madeleine, Sainte Thérèse, Catherine de Sienne, sont connues pour leurs expériences extatiques intenses « en faisant l’amour avec Dieu». Quelques sage-femmes ont pu observer un orgasme au moment de l’accouchement de certaines femmes. 

Quel en est le mécanisme ?

Il s’agit d’un processus dissociatif bien connu par quelques hypnothérapeutes.

Lorsque nous vivons un événement, notre cerveau va dissocier les éléments factuels, qui vont rester conscients, des affects (émotions et sensations) qui sont enregistrés à un niveau inconscient.  Pour simplifier les choses, nous allons représenter cela par la notion de personnalité première (le conscient) et la personnalité seconde (l’inconscient). Elles ont été inventées par le Dr Pierre Janet.  Nous avons tous, en effet, une double représentation de notre personne. La première, qui correspond à l’ensemble des cognitions : anatomie, physiologie, en fait tout ce que nous avons appris en utilisant notre esprit rationnel. La seconde est faite de sensations et d’émotions intemporelles, inaccessibles en tant que telle, mais qui peuvent émerger à la conscience par l’intermédiaire d’une analogie ou une métaphore. Par exemple, dans un jeu SM, le sentiment passionnel peut être symbolisé par les cordes, les liens qui nous « attachent » à l’autre.  Lors de l’accouchement, l’amour est représenté par le bébé. Le vagin en est donc rempli.

Dans un état « normal », le processus dissociatif n’a pas lieu, et c’est la personnalité première, la plus corticalisé qui se manifeste. Il arrive parfois quelques échappements, ce sont les lapsus, et les actes manqués chers à la psychanalyse. 

Par contre, dans certaines circonstances, spontanées ou provoquées, la personnalité seconde va se manifester. La transe chamanique, facilitée par la prise de certaines substances, va entraîner le chaman dans le monde des « esprits ». Ce monde est lié au contexte socio-culturel, c-a-d aux croyances. 

Les crises des hystériques, décrites au XIXème siècle par certains psychiatres ou psychologues, Janet, Charcot, Bernheim ou Freud, pour n’en citer que quelques-uns ne sont que les manifestations de cette personnalité seconde survenant spontanément. Ce qui explique la facilité qu’ils avaient à provoquer l’hypnose (technique dissociative) chez ces sujets. On peut comprendre l’importance de manifestations à caractère sexuel de ces « crises d’hystérie » (d’où la dénomination) car l’époque était connue pour son puritanisme et la répression de la sexualité féminine (toujours l’importance du contexte). Nous pouvons appliquer la même analyse pour les extases mystiques, la martyrologie où l’esprit de la personne s’évade dans un autre monde, celui de la personnalité seconde.

De nos jours, certaines techniques, comme l’hypnose et la méditation, permettent de provoquer cette dissociation qui reste néanmoins partielle. L’état de transe nécessite une dissociation quasi complète, sinon c’est le sommeil. Ce qui différencie la transe du rêve, c’est la persistance d’un contact plus ou moins ténu avec le monde extérieur, éventuellement l’hypnothérapeute ou le, la « dom ».

La disparition ou la transformation de toute sensation corporelle superficielle nécessitera donc une hypnose profonde.

On retrouve dans l’extase amoureuse ou masochiste cet état de transe. Les coups répétés du fouet lors du subspace provoquent progressivement une réduction du champ de conscience. Le corps donc la douleur disparaît au profit de la sensation d’être envahi(e), rempli(e) de……c’est fonction de chacun(e). Chaque soumis (e) »sub » a son propre chemin. 

Si la transe extatique ne présente en soi aucun risque, le contexte de survenue SM (positions, liens, etc…) n’est pas sans danger. C’est donc tout l’art du maître ou maitresse du jeu de le prévenir. L’usage de substance agissant sur l’état de conscience est à éviter Chemsex).

Les recherches en neurosciences, grâce à l’imagerie fonctionnelle cérébrale, ont mis en évidence un déplacement des zones cérébrales actives au cours de ces états modifiés de conscience.  En simplifiant un peu, la personnalité seconde correspond aux structures cérébrales archaïques, les plus anciennes, alors que la première correspond plus aux structures corticales les plus récentes dans l’évolution. Les structures archaïques agissent sur l’ensemble du corps de manière inconsciente par l’intermédiaire du système nerveux autonomes et des neuromédiateurs. Ce qui peut expliquer les phénomènes de somatisation ou encore l’effet placebo. 

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Auteur/autrice : Patrice Cudicio

Médecin

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