Qu’est-ce que la pensée analogique ?
Pour dire les choses simplement, nous pensons de différentes manières et à différents niveaux de notre conscience. Beaucoup de gens croient à tort que la pensée c’est comme une voix intérieure, une sorte de dialogue intérieur avec lequel nous discutons, hésitons, prenons des décisions…. Comme on le ferait si on avait en face de soi un interlocuteur. Or, si la pensée peut revêtir cette forme, elle en possède bien d’autres : représentations mentales, représentations sensorielles. Ce sont les affects et les sensations qui construisent la pensée qu’on dit « analogique ».
Qu’est-ce que la pensée ou le langage analogique et comment les définir ?
À la suite de travaux utilisant l’hypnose et les états modifiés de conscience, nous nous sommes aperçus que notre esprit fonctionnait en permanence sur deux plans : un plan conscient et un plan non conscient, ce qui ne veut pas dire inconscient.
Les plus grands spécialistes en ce domaine s’accordent en effet pour reconnaître les différents plans de la pensée. Antonio Damasio, évoque par exemple l’idée d’une pensée non consciente qui se développe comme en toile de fond d’une activité cognitive consciente.
Prenons un exemple : Si nous pensons et parlons de l’amitié, nous allons la décrire comme une relation privilégiée entre deux personnes faisant appel à certaines émotions ou certains affects ; mais sans en être vraiment conscients, nous faisons référence à notre propre expérience de l’amitié et nous allons penser, pour en parler, à un ami ou à une amie. En fait des travaux en neuro-sciences ont montré qu’il n’était pas possible de penser de manière totalement abstraite, mais que toute pensée, même conceptuelle était métaphorique. Pour reprendre un exemple sexuel, chaque homme et chaque femme possède en fonction de son expérience un savoir conscient et une connaissance en partie non consciente de sa sexualité.
N’oublions jamais que l’expérience fait appel aux registres sensoriels : la vue, l’ouie, le toucher, l’odorat, le goût qui ne peuvent s’exprimer sans un support analogique ou métaphorique.
Si nous prenons l’exemple d’une couleur : le rouge ; ce sera rouge comme une tomate, une voiture de pompier, etc… Nous pourrons dire que la métaphore est riche de sens et qu’il ne peut en exister « un non-sens ». En effet ne pas vouloir voir le rouge, nous oblige à le concevoir et en quelque sorte le représenter.
Par ailleurs une sensation est a-temporelle, c’est-à-dire en dehors du temps.
Cet espace riche de sens peut être défini comme une boîte : la boîte noire (nous faisons référence ici à la notion de conscience bicamérale). En état d’hypnose, la pensée consciente, logique, rationalisante est mise en léger sommeil, permettant l’expression des représentations contenues par la boîte noire sous forme d’analogies ou de métaphores.
Il faut comprendre que la sexualité est presque totalement dépendante du système nerveux involontaire ou autonome. Notre seule façon d’agir sur l’involontaire passe par l’intermédiaire de la « boîte noire ». En hypnose, c’est un peu comme si on avait placé un vidéo-projecteur sur cette fameuse boîte, projetant sur un écran les représentations sensorielles et émotionnelles liées à l’expérience, pendant que la partie consciente assoupie n’est plus qu’observatrice.
L’expérience hypnotique est donc un état de double conscience. Si nous utilisons une structure linguistique particulière faisant aussi appel à l’analogie ou à la métaphore, il est possible d’intervenir ou de modifier ces représentations, et donc les comportements et perceptions qui en sont issus et bien sûr les meilleures modifications sont celles conçues par la personne elle-même.
L’exemple du vaginisme responsable de mariage ou union non consommé est tout à fait explicite des manifestations de cette double conscience. Nous y reviendrons un peu plus loin…
Savoir ne suffit pas
Il ne suffit pas de posséder des savoirs à propos de son anatomie et de sa physiologie, même si c’est un bon début et c’est malgré tout essentiel. L’important c’est la représentation mentale, car c’est celle-ci qui se révèle opérante dans la vie sexuelle humaine.
Exemple : Madame F vient consulter pour un mariage non consommé. Elle n’a pas subi de traumatisme sexuel ou autre au cours de son passé, mais, elle n’a construit aucune représentation de son vagin, en fait, cela se passe comme si elle n’en avait pas. Cela explique parfaitement pourquoi Madame F interprète toute tentative de pénétration comme une intrusion, le réflexe naturel de défense produit une contraction de ses muscles : toute pénétration est impossible.
Beaucoup de femmes, quand elle se représentent leur vagin l’imaginent comme un trou, une vacuité, un vide, une cavité, mais très rarement comme un organe équivalent à l’organe mâle. Pourtant, on a pu trouver cette représentation dans la médecine ancienne : Le célèbre anatomiste André Vésale, dans son ouvrage De humani corporis machina (1543) montre un dessin représentant un vagin dont la forme est exactement celle d’un pénis…
Cette représentation équivalente des sexes n’a pas tenu bien longtemps. Le siècle dit des Lumières, puis les suivants ont porté un coup fatal aux libertins, non plus en avançant la classique menace de l’Enfer des Eglises, mais en brandissant le bras vengeur de la science. L’enfer était désormais sur terre, il étendait son royaume par la propagation des maladies vénériennes mais aussi de la tuberculose. Une culture de la continence et de la modération a pris le pas sur le relatif laxisme des siècles précédents. Il n’y avait aucune égalité entre les hommes et les femmes sur le plan de la liberté sexuelle et, comme, le meilleur moyen d’effacer quelque chose est encore de faire semblant d’ignorer que cela existe, beaucoup de femmes n’ont pas conscience de leur vagin et encore moins de l’usage qu’elles peuvent en faire ni des plaisirs qu’il peut leur procurer.
Tant que le vagin n’existe pas au niveau de sa représentation en tant qu’organe ou instrument, la femme subit les rapports sexuels jusqu’au jour où, l’insuffisance de désir aidant, elle ne les supporte plus et en vient à les rejeter.
Dans la fantasmatique amoureuse de la femme, la fusion est une donnée fondamentale, au plan biologique aussi.
Sexualité et Biologie
La nature a pourvu l’homme et la femme d’un sexe dont la forme est visiblement complémentaire. L’un est convexe, l’autre est concave. Comme nous pouvons le comprendre cette complémentarité est une nécessité ; elle permet la rencontre et la fusion des gamètes que sont l’ovule féminin et le spermatozoïde masculin pour la survie de notre espèce dans l’enfant qui va en naître.
Nous comprenons ainsi que la finalité première de la sexualité en est la procréation.
Pour ce faire, cette même nature nous a doté d’un instinct : l’instinct sexuel dépendant du bon développement fonctionnel de nos organes sexuels que sont le pénis et le vagin ; l’augmentation de la sécrétion des hormones sexuelles et plus particulièrement des androgènes (hormones mâles, sécrétées également, mais en faible quantité par la femme), au moment de la puberté sera responsable du développement des pulsions sexuelles. Cette sensation physique qu’est la pulsion est à différencier du désir sexuel qui s’inscrit dans une élaboration mentale propre à l’homme et à la femme. L’homme secrétant naturellement plus d’androgènes est animé de pulsions plus fortes, plus intenses et plus fréquentes que la femme. Surtout que cette pulsion est responsable d’une tension qui ne trouvera sa résolution que dans l’éjaculation gratifiée d’une sécrétion d’endorphines (« morphine endogène fabriquée par le cerveau). Cela explique l’activité masturbatoire plus ou moins intense de l’adolescent et du jeune adulte mâle. Par la suite, lors de ses rapports sexuels, il ne fera en fait que continuer le même comportement, remplaçant sa main par le vagin féminin. Ce qui nous fait dire, qu’en fait bon nombre d’hommes ne continuent qu’à se masturber lors de leur rapport. N’oublions pas que ce mécanisme est involontaire car inscrit dans notre patrimoine génétique. Ce type de comportement est en grande partie responsable de l’éjaculation prématurée.
Venons-en à la femme ; celle-ci possède un clitoris, corollaire fonctionnel et pulsionnel du pénis, bien que de structure différente : en effet le clitoris n’est pas un petit pénis. Sa stimulation provoque sans aucun doute un plaisir intense à la femme, résolution de tensions secondaires de ses pulsions sexuelles. Mais sa fonction essentielle est de déclencher une bonne lubrification vaginale facilitant la pénétration du pénis et ainsi de réaliser l’accomplissement de la fonction première de la sexualité qu’est la reproduction.
Nous pouvons penser que pour la grande majorité des femmes, il s’agit plus d’une pulsion vis à vis de la grossesse et de l’enfant qu’un véritable désir d’enfant et c’est plus à ce niveau que ce situe la gratification de l’acte sexuel. Nous comprenons bien qu’au-delà de cette envie d’enfant, la femme ne puisse éprouver qu’un faible attrait vis à vis d’une pénétration qui ne se justifie plus, du moins pour elle. Le rapport sexuel n’aura de sens que s’il lui permet de manifester ses sentiments « amoureux » vis-à-vis de l’homme ou de la femme avec lequel ou laquelle elle partage sa vie. Il peut être également justifié par un désir de séduction, de se sentir « normale », de la peur d’être abandonnée, d’avoir la paix dans son ménage et d’éviter toute remise en question.
Il nous faut donc bien distinguer ce qui est de l’ordre de la pulsion et ce qui est de l’ordre du désir. De manière simpliste, nous pourrions dire que la pulsion est la part d’animalité de notre sexualité, alors que le désir est ce qui nous rend plus humain, bien que ces deux « sentiments » soient parfois très mélangés et d’un distinguo difficile.
À ce sujet et sans vouloir généraliser, il semble que la sexualité féminine soit naturellement moins « animale » que la sexualité masculine ; ce dernier étant plus soumis à ses pulsions.
Dans sa quête fusionnelle, la femme amoureuse cherche inconsciemment à reconstruire avec l’autre cet androgyne mythique. Et pour y arriver, la première étape consiste à basculer vers une attitude active, c’est-à-dire en l’occurrence d’utiliser son vagin comme un véritable organe ou instrument un peu semblable à sa main qui caresse, étreint, stimule, excite, s’empare, cajôle ou apaise….C’est alors qu’elle devient pleinement actrice de sa sexualité.
Le désir amoureux fusionnel justifie et explique en grande partie les mécanismes du désir sexuel.
Dès que la femme accède à cette représentation de son vagin comme un organe actif, le sens qu’elle donne aux rapports sexuels change du tout au tout, elle peut enfin découvrir un plaisir nouveau, extatique qui comble toutes ses attentes sensuelles et amoureuses : l’orgasme à point de départ vaginal.
À suivre…