Les outils de la chasteté
La peur de perdre est sans conteste l’une des force les plus puissantes qui s’exerce sur les choix individuels et collectifs, qu’il s’agisse de ce qu’on possède ou qu’on croit posséder. Les biens, les terres, la patrie, passent encore… Mais quand on dit « ma femme », « mon épouse », « mon mari », « mes enfants » , cela ne signifie pas qu’on en soit propriétaire ce qui impliquerait qu’on pourrait vendre, échanger, acquérir, femmes, maris ou enfants… Pourtant, cette façon d’envisager les relations, n’a jamais disparu. Certaines cultures n’accordent que très peu d’importance à la femme, elles sont considérées ni plus ni moins comme des esclaves, et surtout des utérus. Dans beaucoup de sociétés traditionnelles, la virginité de la fiancée, est une valeur inestimable qui justifie des sacrifices, enfin, surtout de la part de la jeune fille.
C’est ainsi que, pour s’assurer que la virginité sera préservée jusqu’au mariage, et que l’abstinence totale sera observée, a-t-on recours à des pratiques telles que l’excision et l’infibulation. Ces mutilations ont pour but d’entraver tout plaisir sexuel, en associant douleur et sexe, afin de garantir la chasteté la plus rigoureuse.
Mutilation des organes génitaux féminins.
Il s’agit de l’excision rituelle d’une partie ou de l’intégralité des organes génitaux externes d’une femme ou d’une fille, explique le Dr Kintega Boulma dans sa thèse soutenue à l’Université de Casablanca. Il poursuit : « C’est une pratique culturelle ancienne qui subsiste aujourd’hui principalement dans certaines régions d’Afrique. Très souvent appelé « circoncision féminine » par analogie à la circoncision masculine, la circoncision féminine n’est pratiquée ni par tous les musulmans ni par tous les arabes. » Il convient de savoir qu’aucun texte religieux n’exige de telles pratiques : pas plus la Bible que le Coran. Les mutilations sexuelles féminines sont pratiques courantes dans 28 pays africains et quelques régions du Moyen-Orient et d’Asie. Plus de 120 millions de femmes en sont victimes. Dans la plupart des cas, cette soi-disant circoncision féminine est exécutée sans anesthésie, par des barbiers ou des sages-femmes, avec des instruments rudimentaires. Des complications qui mènent parfois à la mort ne sont pas exceptionnelles.
On distingue trois sortes de circoncisions féminines :
– La circoncision féminine dite sunnah, ou en conformité à la tradition de Mohamed, bien qu’on ne puisse pas se référer à un ordre précis du Coran. Selon un auteur classique, Al-Mawardi, elle consiste à couper la peau en forme de noyau qui se trouve au sommet de l’organe. On doit donc en couper l’épiderme protubérant, sans aller jusqu’à l’ablation. Pour le docteur Hamid Al-Ghawabi , il s’agit de couper aussi bien le clitoris que les petites lèvres. Selon le docteur Mahran , on excise le capuchon du clitoris ainsi que les parties postérieures les plus importantes des petites lèvres.
– La clitoridectomie ou excision. C’est l’ablation du clitoris et des petites lèvres. C’est l’opération pratiquée le plus fréquemment en Egypte.
– L’infibulation ou circoncision pharaonique. Le terme « infibulation » provient d’un mot latin signifiant « bouclé ensemble ». Elle est pratiquée notamment au Soudan et en Somalie et consiste en l’ablation totale du clitoris, des petites lèvres et d’une partie des grandes lèvres. Les deux parties de la vulve sont alors cousues ensemble au moyen de points de suture de soie ou de catgut (au Soudan) ou au moyen d’épines (en Somalie) pour que la vulve soit fermée à l’exception d’un minuscule orifice pour le passage de l’urine et du flux menstruel. Au cours de la nuit de noces, l’époux devra « ouvrir » sa femme, le plus souvent à l’aide d’un poignard à double tranchant. Dans certaines tribus , la femme est recousue à chaque départ du mari et « réouverte » à chaque retour de celui-ci. On ferme l’ouverture en cas de divorce pour éviter que la femme ait des rapports sexuels.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Infibulation
Il faut savoir que cette pratique est dénoncée et rendue illégale dans de nombreux pays occidentaux et africains, mais que se heurtant au poids des traditions, aujourd’hui encore, en Somalie et à Djibouti, 98% des petites filles sont mutilées. En Égypte, au Burkina-Faso, au Mali, en Gambie, ce taux dépasse 80%. Au Tchad, au Bénin, au Togo, au Libéria, en Côte-d’Ivoire, une fillette sur deux subit cette mutilation. Dans les pays du Magreb, on ne pratique pas ces mutilations.
En Occident, l’infibulation a été longtemps pratiquée, associée à une ceinture de chasteté. On faisait passer des anneaux dans les lèvres et fermait ensuite la vulve par un fil de fer ou par un cadenas dont le mari gardait la clef même et surtout quand il s’absentait.
Toute pratique peut aussi être détournée de son intention. On sait que les mutilations sexuelles féminines ont pour but d’interdire les relations sexuelles et la découverte du plaisir. Pourtant, une certaine forme de circoncision féminine, pratiquée dans la tribu des Kikuyu du Kenya, serait effectuée aujourd’hui dans certains hôpitaux de Paris pour accroître la capacité de jouissance de certaines femmes aisées. On dégage le clitoris et on le rabat à l’intérieur du vagin. Une telle pratique augmenterait la jouissance sexuelle des femmes…
Il reste que l’objectif des mutilations sexuelles féminines est bien de réprimer le désir sexuel, et donc de s’assurer de la chasteté. L’intervention provoque un traumatisme violent, qui va marquer à jamais toute l’existence.
Samia, musulmane, née dans un petit village égyptien près de la frontière soudanaise et qui vit au Caire témoigne: « J’avais sept ans lorsque j’ai été excisée. Je me souviens des récits des femmes de mon village qui parlaient de cette opération comme si leur vie s’était arrêtée là. L’atrocité de leurs descriptions et en même temps le sentiment d’une fatalité à laquelle je ne pourrais pas échapper, avaient provoqué en moi une telle panique que lorsque arriva le jour tant redouté, je fus prise de vomissements. Ce qui se passa alors est encore si brûlant dans ma chair qu’il m’arrive souvent de me réveiller en pleine nuit en hurlant et d’appeler ma mère ».
La ceinture de Chasteté
Il s’agit d’un dispositif amovible, destiné à interdire les rapports sexuels comme la masturbation. On connaît surtout la version féminine de cet accessoire, mais il existe aussi des instruments destinés aux hommes. J.M Lo Duca, dans son Dictionnaire érotique, n’envisage que la version féminine et présente la ceinture comme « un instrument inventé par les jaloux pour interdire aux femmes toute satisfaction érotique à laquelle ils ne consentent point. »
Il existe différents modèles de ceintures, en général elles comprennent deux parties, l’une enserre la taille, l’autre est une sorte de plaque souvent triangulaire qui passe entre les jambes, et comprend de petits orifices pour permettre les fonctions naturelles, mais ceux-ci, ne permettent pas d’y glisser un doigt. Dans la version masculine, un étui pénien est fixé sous la plaque. Les deux parties de la ceinture s’emboîtent et un cadenas fixé devant, ou au dos complète le dispositif. L’objet ci-contre appartient à la collection du musée de Cluny, mais des recherches récentes ont montré qu’il s’agissait probablement d’un faux datant du 19ème siècle.
L’origine de la ceinture de chasteté est en rapport avec la pratique de l’infibulation, venue d’Orient quant à elle. Il n’existe aucune preuve de l’existence de telles pratiques dans l’Antiquité Grecque et Romaine pas plus qu’à l’époque du Moyen Age, contrairement à des croyances largement répandues. La fameuse ceinture ne serait-elle qu’une pratique marginale, propre à enflammer l’imagination et à engendrer des légendes. La première représentation d’une ceinture de chasteté est un dessin de Konrad Kyeser, dans un de ses carnets de voyage en Italie en 1405, il s’agit du « Bellifortis » d’origine florentine selon l’auteur. On peu lire « Est florentinarum hoc bracile dominarum ferreum et durum ab antea sit reseratum » (une “culotte pour dame” de métal dur, d’origine florentine, qui s’ouvre par devant), à Florence, les femmes auraient porté ce “bijou”, afin de décourager les violeurs.
Un autre objet, du 15ème siècle était visible au Palais Ducal de Venise. Il s’agit d’une ceinture dont le modèle, plus simple que le précédent a peu évolué dans son principe au cours des siècles.
AU XIX ème siècle
Bientôt, un peu partout en Europe, on trouve des documents attestant de l’usage de la ceinture. Elle ne cessera pour ainsi dire jamais d’exister, et jusqu’à une date récente il était possible de s’en procurer dans certains grands magasins londoniens, mais, s’agissant d’un objet très personnel, les utilisateurs privilégient généralement la fabrication sur mesure et la vente par correspondance. Ci-contre, modèles de ceintures présentés dans le catalogue de l’American Hygien, 1905-1910, société parisienne spécialisée dans la fabrication et la diffusion d’ustensiles de « confort » sexuel (préservatifs, bidets, et remèdes miracle pour tout problème sexuel).
Ces ceintures sont destinées à interdire la masturbation considérée comme la source de maux redoutables depuis le fameux livre du Dr Tissot l’onanisme, paru en 1760. Les affirmations de ce médecin suisse ont fortement influencé ses contemporains comme ses successeurs, et justifié l’acharnement à réprimer le « fléau ».
Les ceintures de chasteté pour hommes se développent surtout à partir du 19ème siècle, contrairement aux dispositifs féminins dont l’objectif est d’interdire le viol, il s’agit de « protéger » le porteur contre ses propres envies… Ci-contre, modèles de ceintures pour homme récemment vendues par un antiquaire.
Fabriquées sur mesure, en argent, en or, en nickel, c’est l’acier inoxydable qui, à partir des années cinquante, sera privilégié pour les modèles les plus classiques, copiés pour la plupart sur le modèle « florentin ». Des dispositifs en plastique dur, légers et transparents apparaissent dès 1990, ce sont les « cages de chasteté » masculines qui maintiennent le petit oiseau à l’abri de toute manipulation.
La vogue actuelle de la chasteté réactive la demande, voici les raisons invoquées par les porteurs de ceintures et les détenteurs des clés, elles proviennent de témoignages recueillis sur certains sites:
- Interdire la masturbation
- Interdire les rapports hétérosexuels avec un ou une autre partenaire
- Empêcher les stimulations sexuelles oro-génitales : fellation et cunnilingus
- Protéger la porteuse contre le viol
- Gêner, voire empêcher l’érection
- Libérer le porteur, ou la porteuse de sa culpabilité quand il (elle) se trouve en présence de personnes de l’autre sexe. Le flirt est donc autorisé, et la ceinture empêche d’aller plus loin.
- Simple méthode de contraception aux dires de certains
- Des célibataires choisissent de porter une ceinture de chasteté pour s’asurer de rester vierges jusqu’au mariage
- La ceinture est parfois portée pour empêcher les rapports sexuels à certaines périodes
- La ceinture entre dans des jeux de domination et soumission
- Le port de la ceinture peut aussi faire partie d’un fantasme et stimuler le désir par l’irrésistible attrait de l’interdit…
Cette dernière raison explique qu’une pratique pour le moins cruelle soit récupérée à des fins purement érotiques. L’interdit, souvent mis à mal par le parti pris de tout montrer, reprend sa place d’autant plus facilement que l’hypocrisie puritaine des cultures anglo saxonnes justifie pleinement l’usage de l’outil répressif. Pour rester chaste, il suffit d’avoir recours à un dispositif infaillible ; la ceinture de chasteté joue alors pleinement un double jeu. Le choix de l’abstinence, l’assurance de la fidélité, représentent les raisons apparentes, et la stimulation du désir l’effet secondaire, activement recherché des amateurs !
Aujourd’hui, on peut répertorier une bonne vingtaine de fabricants européens : les Allemands occupent la première place juste devant les Anglais qui font pourtant figure de référence ; en Amérique du Nord, USA et Canada, une forte concurrence règne et force la créativité des fabricants. En Europe comme en Amérique, il est très facile de se procurer une ceinture de chasteté, à condition toutefois d’y mettre le prix ! Cet objet n’est pas à la portée de toutes les bourses, il faudra investir environ 350 à 400 € pour un modèle classique en acier inoxydable de bonne qualité (la chine en produit également à des tarifs plus abordables)…