LA SEXUALITÉ FÉMININE EST-ELLE L’AVENIR DE L’HOMME?
Pourquoi les femmes devraient-elles penser leur épanouissement sexuel à la manière des hommes? Peut-on s’épanouir sexuellement au féminin? Les experts ronronnent ensemble et ressassent les mêmes poncifs: les hommes dominés par leurs pulsions contraignent les femmes à s’y soumettre. Les femmes, pilotées par leur besoin de relation et de protection, acceptent le sexe mais cherchent tôt ou tard à s’y soustraire, et doivent choisir leur camp: maman ou putain. Ces explications, largement partagées par les hommes et malheureusement beaucoup de femmes, dominent le paysage dans tous les domaines où l’on parle de la sexualité à commencer par la sexologie, les courants de pensée actuels s’accordent sur une définition consensuelle de l’épanouissement sexuel. Et celle-ci n’a rien de féminin. Les mouvements féministes combattent fort justement pour défendre les droits des femmes, mais leur modèle de référence pour la liberté, la citoyenneté reste inévitablement masculin.
Dr Patrice CUDICIO
Tout commence par ces incontournables déterminismes biologiques, auxquels on se réfère pour justifier les clivages et différences entre les hommes et les femmes. Certes, on ne peut nier qu’avant d’être humain nous étions une espèce de mammifère et que la sexualité avait et a toujours d’ailleurs pour fonction la reproduction, la survie de l’espèce.
Néanmoins, les humains sont des animaux sociaux et la survie de l’espèce a de tout temps requis des stratégies d’adaptation spécifiques. À la différence de la plupart des mammifères, le petit humain naît immature et avant d’accéder à son autonomie, il doit bénéficier des soins constants de sa mère. L’élevage du petit d’homme est donc très contraignant pour celle-ci qui, du coup, perd temporairement sa capacité à assurer sa propre subsistance; elle doit donc déléguer et s’en remettre à un mâle suffisamment vigoureux pour la protéger, assurer sa subsistance et subvenir aux besoins de l’enfant… Le mâle nécessaire à sa fécondation devient indispensable à sa survie en la protégeant et en la nourrissant. Une sorte de contrat tacite et informel s’établit, créant un lien qui deviendra plus tard attachement, voire encore plus tard amour.
Le contrat traditionnel qui régit les relations homme / femme
Ce contrat pourrait s’interpréter comme suit: « si tu me protèges, me nourrit et nourrit mes petits, je m’offre à toi pour satisfaire tes désirs et ton plaisir». Vu sous cet angle, cet accord joue plutôt en faveur de l’homme et justifie sa domination. Le seul problème de l’homme c’est de s’assurer de l’origine de sa progéniture, sa succession en dépend: et comme, il ne peut jamais être absolument certain d’être le père biologique de sa descendance, il élabore des règles, structure des interdits qui vont essentiellement s’appliquer à la femme et la contraindre à la soumission et à la fidélité.
C’est probablement au moment ou l’humanité est passée de la chasse et la cueillette à l’agriculture que ce modèle a commencé à s’imposer. Pendant des millénaires, ce schéma s’est répété, et encore aujourd’hui existe sous différentes formes dans de nombreuses contrées du monde.
De très rares voies d’affranchissement qui souvent aboutissent à d’autres formes d’esclavage
Quelques femmes ont tenté de s’affranchir de cette tutelle masculine, exploitant la faiblesse des hommes pour leurs pulsions sexuelles n’ayant d’autres moyens de survivre libres et indépendantes qu’en monnayant leurs services. C’est le cas des hétaïres de l’Antiquité, et des courtisanes plus tard, pour les unes et les autres il valait mieux éviter d’avoir des enfants; l’infanticide était d’ailleurs très fréquent. En se vendant ces femmes devenaient une valeur marchande, objet de sa propre exploitation. Le proxénétisme vient exploiter cette opportunité, utilisant la force, la brutalité ou d’autres arguments aussi convaincants destinés à exploiter le corps de la femme. La femme devient ainsi rapidement un objet marchand, autre forme d’esclavage et cela toujours au service des plaisirs masculins.
Ce commerce peut prendre aussi d’autres formes comme ces mariages imposés qui perdurent dans bon nombre de pays! Des formes plus subtiles existent toujours dans nos sociétés occidentales: ainsi toutes ces recommandations maternelles à leurs filles pour qu’elles soient de bonnes épouses en sont une des manifestations les plus flagrantes.
L’émancipation de la femme conforme aux références masculines
Le féminisme développé dans les années 70 contribue à maintenir paradoxalement la femme en infériorité puisque que le modèle de référence pour l’autonomie reste désespérément masculin. D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement dans une société dont les règles et le mœurs ont été depuis des millénaires décidés exclusivement par des hommes?
L’émancipation féminine n’a pu commencer à se faire que très récemment, les historiens en attribuent l’origine aux périodes de guerre mondiales qui ont déchiré le vingtième siècle. Devant remplacer à l’usine l’homme parti à la guerre ou décédé, les femmes découvrent qu’elles sont capables de pourvoir à leurs besoins, d’élever seule leurs enfants, et de gérer les affaires avec intelligence et efficacité.
Dans les années 60/70, l’invention de la contraception orale permet aux femmes de se libérer de la procréation, et en même temps les contraignent à satisfaire les désirs de l’homme puisque l’éventualité d’une grossesse non désirée ne peut plus justifier le refus de l’acte.
Un rapport sexuel non productif n’est utile à la femme que pour s’attacher durablement son partenaire. Bien sûr, le plaisir clitoridien facilitant la pénétration peut être une «récompense», mais aucune femme n’a besoin d’un homme pour l’obtenir.
Deux modèles sexuels se dessinent
- Le masculin consumériste apanage des hommes et référence pour nombre de femmes.
- Le féminin affectif basé sur l’attachement qui deviendra amour; certains hommes aussi pourront privilégier ce modèle.
C’est le modèle masculin qui aujourd’hui domine dans la plupart des sociétés. Bien sûr, on ne vend plus de femmes en occident quoique la prostitution soit toujours présente, mais on fait toujours le commerce de son corps à travers son image ou objets évocateurs. Nombreux magazines féminins se rendent complices de cette duperie; en effet c’est toujours à elle de s’adapter aux désirs de l’homme. Ce modèle, dans un monde que fascine l’extrême, se manifeste dans la pornographie servant de référence pour la sexualité à une partie de la jeunesse. Aujourd’hui pour être une femme libérée, on fait croire qu’il faut avoir son sex-toy dans son sac à main ou sous son oreiller! En général lorsque les piles sont usées, le joujou finit oublié au fond d’un tiroir.
Il est vrai néanmoins que la nature a joué un tour à l’homme afin de s’assurer qu’il remplisse son rôle de reproducteur, elle lui a donné le plaisir de l’éjaculation, qui apaise et résout ses tensions par la sécrétion d’endorphines concomitante.
Le modèle masculin consumériste est aussi empreint de violence et de conflit, dans cette perspective, la frustration n’est pas tolérable et aboutit logiquement à l’usage de la force brutale pour obtenir satisfaction. La guerre des sexes rappelle d’autres luttes : classes sociales, appartenances ethniques, homosexualité… Et oublie au passage que le modèle féminin n’est pas guerrier.
C’est pourquoi les luttes féministes aussi justifiées et indispensables soient-elles s’inscrivent dans le modèle masculin.
Cette erreur conceptuelle fondamentale obscurcit notre compréhension, car le modèle féminin n’est pas guerrier, une femme lutte autrement quand elle peut choisir de ne pas utiliser le modèle masculin: négociation, compromis, échanges gagnant/gagnant.
Le modèle féminin, évolution humaine de la sexualité
Sur le plan de la sexualité, le désir et le plaisir féminin sont d’une autre nature que ceux des hommes, pour les comprendre il faut commencer par se libérer du modèle androcentré. Réduire le plaisir de la femme à des sensations clitoridiennes comparables à celles de l’homme, c’est vouloir la cantonner comme ce dernier à la masturbation. Nous savons l’importance du plaisir clitoridien, à la fois sur le plan de la satisfaction et de la reproduction (cf l’article sur ce sujet), il reste cependant toujours synonyme de masturbation et de prélude à la relation.
Le rapport sexuel, qui réalise le rapprochement des deux sexes n’est producteur de désir et de plaisir que s’il a un sens porteur de sentiments ou d’émotions. Ce sens est construit dans l’expérience et non donné par un déterminisme biologique; il exprime une reconnaissance pour la femme de ses valeurs féminines. L’acceptation de sa féminité dans tous ses aspects, composantes et différences est essentielle. La fusion à l’être aimé ne peut se réaliser qu’à ce prix. Ainsi l’absence de désir ou de plaisir pour la femme et l’éjaculation prématurée pour l’homme ne relèvent pas dans la très grande majorité des cas d’une pathologie ou d’une maladie. Ces dysfonctions sont bien davantage la manifestations d’apprentissages mal adaptés, d’ignorances sur notre nature humaine, et de l’incapacité à vivre nos sexes comme des instruments d’échange et de communication affective et émotionnelle.
Comment découvrir l’harmonie et l’épanouissent amoureux?
Pour l’homme, il ne s’agit plus de se limiter au plaisir de l’éjaculation qui met fin au jeu relationnel, mais de découvrir le plaisir singulier de l’échange amoureux où le pénis devient l’archet qui fera vibrer les cordes du violoncelle féminin. Accomplir ce projet demande de remettre en question ses habitudes et ses croyances. La sexualité n’est pas une affaire de mécanique et il faut savoir que les médicaments censés guérir une maladie qui n’en est pas une ne font qu’utiliser leurs effets secondaires. Leur utilité ne peut donc être que transitoire.
Pour la femme, c’est encore beaucoup plus compliqué. La reconnaissance de sa féminité c’est d’abord l’acceptation de son corps de femme et sa mise en valeur. C’est aussi la connaissance et l’acceptation d’un organe sexuel qui reste le plus souvent mystérieux car invisible au regard. C’est d’en avoir une représentation positive débarrassée de tous les tabous et interdits. C’est sa transformation en véritable organe, instrument porteur de ses sentiments ou affects.
La Femme est-elle l’avenir de l’homme?
Deux modèles sexuels se confrontent: s’il se conjuguaient, cela voudrait dire que le modèle féminin serait la référence pour les relations entre hommes et femmes. Opposés, ils expriment la dominance du modèle masculin.
Le modèle masculin consumériste caractérise l’homme hétérosexuel ou homosexuel. Les excès de ce modèle aboutissent à des déviances connues comme la pornographie et n’apportent aucune satisfaction à la plupart des femmes qui y trouvent au mieux une voie supplémentaire pour s’attacher leur compagnon.
Ceci explique la fréquence et l’importance des dysfonctions sexuelles et l’indispensable utilisation du préservatif. Le modèle masculin consumériste peut être compris comme avoir été en grande partie responsable de l’explosion du Sida dans le monde.
Le modèle féminin relationnel basé sur le respect, l’échange, le partage, voire la fusion amoureuse qui est par essence monogame, ne saurait aboutir à ces fins: déclinaison ad libitum de nouvelles dysfonctions sexuelles, refus de la frustration, cherche du plaisir immédiat, violences…
Si la distinction et les limites sont généralement claires chez la femme, ce n’est pas le cas de l’homme qui animé par ses pulsions pratique assez facilement le mélange des deux modèles afin de mieux convaincre l’objet des ses désirs et satisfaire ses «besoins».
La religion, le sida et le préservatif: Cela pourrait être le début d’une fable s’il n’y avait eu des millions de mort à l’issue!
La religion n’a malheureusement pas compris les faiblesses humaines et pour cause! Seule la connaissance dont fait partie l’expérience peut permettre de les comprendre. Le chemin est encore long avant que l’homme assume totalement ses responsabilités dans le respect de l’autre.
Comme on peut le comprendre cette irresponsabilité humaine oblige la société à se créer des règles et des lois qui ne peuvent être ressenties que de plus en plus contraignantes tant que la femme n’est pas comprise et acceptée comme l’avenir de l’homme.
Vous souhaitez avoir un avis spécialisé envoyez un mail à Jasmine Saunier-Cudicio Psycho-praticienne, Sexothérapeute, Hypnothérapeute: j.sauniercudicio@gmail.com
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