Les hommes qui aiment être dominés: Questions à Sofia Hudic

Sofia Hudic, certains hommes reconnaissent aimer être dominés par leur partenaire durant l’acte sexuel. Quelle peut-être l’explication ?

La place du fantasme est déterminante dans la sexualité, et généralement les hommes apprécient de les réaliser. Parmi ces fantasmes, être dominé par une femme figure en bonne place. C’est une manière se « lâcher prise », de s’abandonner,  peut-être aussi de se livrer à des pratiques sous la contrainte afin de ne pas s’en sentir coupable. Toutes les sociétés ont imaginé des parenthèses au sein desquelles ont peut changer de rôle, c’est le cas du carnaval où dans bien des traditions, ce sont les femmes qui choisissent leur partenaires pour les utiliser selon leur bon plaisir.

Quels aspects peut revêtir ce besoin d’être dominé ? Etre attaché ? Etre bâillonné ? Etre insulté parfois ? Prendre des fessées voire des sévices ? A partir de quand peut-on parler de masochisme? Diriez-vous que dans certains cas on peut parler de « perversion » ?

On parle de perversion si et seulement si les pratiques sexuelles jugées déviantes sont les seules que la personne désire, et quand la personne cherche à les faire passer pour la norme afin de contraindre ses partenaires à les accepter. Les pervers cherchent à manipuler leur entourage. Les jeux sexuels entre adultes consentants n’ont rien à voir avec les conduites déviantes. Quand l’homme veut s’abandonner à sa maîtresse, il accepte d’avance ce qu’elle pourra lui faire subir sachant que ces sévices accroissent son excitation. On observe plusieurs modes d’expression du désir de soumission : le désir d’être attaché, ligoté, réduit à l’immobilité, celui d’être isolé (ne rien voir, ne rien entendre, ne pas pouvoir parler), celui d’être malmené (insultes, mais aussi flagellation…). Cela fonctionne généralement au second degré, la situation est par elle-même source d’excitation.

Que pensez-vous de l’idée assez répandue selon laquelle certains hommes « de pouvoir » (dans leur quotidien, leur famille, leur travail) aiment perdre dans l’intimité la figure dominante qu’ils doivent montrer à la société, et ainsi se mettre en position de dominé ?

C’est en effet une explication fréquemment invoquée comme s’il y avait un besoin secret de rétablir l’équilibre entre les pouvoirs. Aussi peut-être une sorte de rite expiatoire. Certains hommes viennent à ces pratiques comme pour se faire absoudre de conduites machistes, pour d’autres, cette perte de pouvoir n’est qu’une illusion car ils ont la certitude de continuer à tirer les ficelles du jeu amoureux, après tout, ils sont à la fois demandeurs et parfois prescripteurs de pratiques de domination ou le soumis n’est pas toujours celui que l’on ligote ou reçoit la fessée. 

Doit-on y voir une « perte de virilité », la recherche d’une vulnérabilité plus « féminine » (inversion des rôles traditionnels) ou au contraire, doit-on y voir le fait d’assumer qu’un homme puisse aussi s’abandonner et se laisser faire ? 

L’envie d’être dominé peut aussi se comprendre comme une recherche d’épanouissement personnel. Aucun être humain n’est à 100% masculin ou féminin mais possède des composantes psychologiques de l’autre sexe. Certains hommes cherchent à déployer leur dimension « féminine » dans ce jeu de soumission. C’est là que l’aspect fantasmatique apparaît clairement, je doute qu’une femme épanouie puisse se reconnaître dans les rôles où son partenaire cherche à faire la « femme ». C’est bien plutôt une caricature de féminité qui est jouée. L’homme qui joue à faire la femme dans son fantasme de soumission choisit un modèle de femme  très demandeuse de sexe comme il peut en voir dans la pornographie. Certains hommes expriment aussi dans les jeux de domination une forme d’homosexualité, soit en croyant inverser les rôles, soit en ayant des pratiques homosexuelles sous la contrainte.

Pensez-vous que certains hommes ont du mal à assumer cet aspect de leur sexualité ? Et pensez-vous qu’au contraire, quand elle est librement consentie, cette pratique peut être épanouissante pour les deux partenaires ?Autrement dit, est-ce que cela peut vouloir dire qu’un homme, un vrai, n’est pas forcément celui qui domine ?

Une sexualité épanouie rend heureux les partenaires parce que chacun, homme ou femme s’y sent réellement acteur de la relation amoureuse. Que l’on soit dominant ou dominé fait partie d’un jeu érotique qui doit se déployer dans le respect de chacun.  Certains couples en font un style de vie, d’autres limitent leurs pratiques à l’intimité, d’autres encore aiment à changer de rôle… Nous n’avons pas à juger. Les repères de la masculinité et de la féminité évoluent, la bisexualité n’est plus tabou, dès l’instant que l’on peut choisir son rôle érotique c’est que l’on a choisi la liberté, fut-ce celle d’être enchaîné…

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Auteur/autrice : Patrice Cudicio

Médecin

Sexualités: Le Magazine de toutes les sexualités

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