Alors que le sexe a envahi notre paysage médiatique, la liberté sexuelle semble en régression, si on en juge d’après les proclamations véhémentes de certaines voix se réclamant des valeurs morales, et le climat d’hypocrisie qui entoure l’ensemble d’un voile censé pudique… « Ce qu’on appelle la liberté chez les uns, s’appelle licence chez les autres » écrivait Quintilien au 1e siècle. Avec l’option consumériste compassionnelle en vogue aujourd’hui, l’obligation de jouir affronte la pression morale et produit des solutions étranges à cette question qui fâche. L’infidélité se limite-t-elle aux pratiques sexuelles avec un partenaire autre que celui dûment officialisé, ou bien le désir d’aller voir ailleurs, est-il déjà une faute ? Si on adopte la première option, cela aboutit à une vision contractuelle du couple, il suffit donc d’énoncer les règles et de les changer si on les trouve difficiles à accepter : la mode de la flexogamie illustre la tendance. Si on tient pour vrai que l’infidélité commence dès qu’on regarde l’autre sous l’angle du désir, alors, on la combat en accumulant les remparts contre la séduction même inconsciente. L’examen attentif de sa conscience, la quête de la pureté s’accompagnent de la logique de l’aveu, du pardon, de l’expiation… On peut aussi considérer la fidélité comme une utopie et s’en remettre aux déterminismes biologiques.
Les hommes et les femmes sont ils égaux en infidélité?
Pendant des siècles, la femme apparaissait toujours plus coupable que l’homme en cas d’infidélité. Cela reste vrai dans certaines cultures qui condamnent à mort les femmes dites infidèles sur simple déclaration du mari s’estimant trompé. Dans les sociétés occidentales post modernes, la femme maîtrisant sa fécondité, elle peut décider qui sera le père de ses enfants; si elle décide de prendre un amant, cela ne menace pas nécessairement la lignée.
Mais, peut-on en quelques décennies effacer des siècles de domination masculine ? Pas si sûr, une femme qui accepte une aventure sexuelle s’investit aussi affectivement, elle cherche une qualité de relation et d’attention qu’elle ne trouve pas auprès de son partenaire. La récente enquête sur le comportement sexuel des français montrait que les femmes occupant des responsabilités socio professionnelles importantes se comportent de plus en plus « comme des mecs ». Cela montre ostensiblement que l’enquête applique des références masculines dans ses questionnements, et l’analyse de leurs résultats.
L’homme infidèle a longtemps été considéré comme « normal », car il ne faisait qu’obéir à sa nature cherchant dans l’infidélité la satisfaction de « besoins » sexuels impérieux et trop importants pour une seule femme souvent peu disposée à accomplir le « devoir » conjugal. Dans son livre « L’Harmonie des plaisirs», Alain Corbin décortique les discours médical et religieux du 18e au 19e siècle qui généralement partagent les mêmes croyances à propos de la sexualité. Beaucoup pensent encore aujourd’hui que l’homme est déterminé à la chasse amoureuse, par des facteurs biologiques, plus il a de partenaires et plus il a de chances de disperser ses gènes… L’infidélité masculine serait donc inévitable, et peut-être même nécessaire… S’il s’agit de se reproduire, on l’aura compris.
Différentes représentations mentales s’associent à l’infidélité : celle de l’homme reste vénielle, celle de la femme porte en elle des indices d’abandon, de rupture. Amour et désir féminins sont inséparables et s’ils changent d’objet, le partenaire délaissé éprouve un sentiment de vide, de trahison. Amour et désir masculins cohabitent en parallèle, rien ne les empêche de se diriger vers différents objets. Autrement dit, un homme qui « va voir ailleurs » ne cesse pas pour autant d’aimer sa partenaire, il n’a pas l’impression de commettre un crime contre l’amour. Pourtant, s’il était délaissé, l’infidélité de sa femme en serait un.