Le tatouage
Le tatouage est un dessin “gravé” dans la peau, grâce à l’injection d’encres dans le derme. Les techniques varient selon les traditions, mais le principe reste le même. Les tatoueurs actuels utilisent un dermographe électrique qui permet de réaliser des oeuvres très raffinées. Depuis les années 70, le tatouage connaît une vogue très importante dans les sociétés occidentales.
Il s’agit cependant d’une pratique très ancienne dont témoignent de nombreux indices dès la Préhistoire. Le plus ancien, Otzi,( 5300 ans avant notre ère) “l’homme de glace” retrouvé dans les Alpes Autrichiennes portait des tatouages, de même certaines momies égyptiennes datant de – 4000 ans, on note à ce sujet qu’il s’agit toujours de femmes, que les tatouages sont exclusivement situés sur le bas ventre ce qui laisse imaginer une relation avec la sexualité et la reproduction. Au Japon et dans le Pacifique, on trouve la trace de ces ornements dès -3000 ans. Dans les sociétés traditionnelles, le tatouage a une valeur magique, prophylactique, voire thérapeutique et sociale. Le tatouage correspond généralement à un rite d’initiation et de passage, la pratique est douloureuse elle prouve le courage et l’endurance de la personne qui le porte.
On peut aussi citer le cas de sociétés traditionnelles dans lesquelles le tatouage a une portée cosmétique et spirituelle. Chez les Mentawais, chacun doit embellir son corps afin d’y retenir son âme, le tatouage est un de ces moyens. Chez les Maoris (Nouvelle Zélande) le tatouage est intimement lié, entre autres, au mariage. Le tatouage du visage est considéré comme un signe de noblesse, et chez la femme comme un puissant attrait érotique. (Anehana, chef maori porte un Moko, tatouage facial intégral, la photo, prise en 1900 provient de la bibliothèque nationale de Nouvelle Zélande ).
Claude LÉVI-STRAUSS écrit à propos du tatouage maori « il est destiné à graver, non seulement un dessin dans la chair, mais aussi dans l’esprit toutes les traditions et la philosophie de la race » (Anthropologie structurale, Plon, 1996, p.283).
Dans l’Antiquité grecque et romaine, le tatouage a aussi une fonction d’identification: on marque les esclaves et les centurions… Il sert aussi à punir, les criminels sont tatoués et proscrits. L’utilisation infamante du tatouage a perduré, au cours de la seconde guerre mondiale, les nazis tatouaient un numéro matricule sur le bras des déportés à leur arrivée dans les camps de concentration. Les connotations péjoratives du tatouage sont très fréquentes dans de nombreuses cultures. Au Japon, marque d’infâmie, il identifie les prostituées et les criminels. Malgré l’opprobre et l’interdiction temporaire qui frappe le tatouage en 1872, la tradition persiste pour atteindre son apogée du 17e au 19e siècle. Pompiers ou charpentiers dont le métier est risqué se font tatouer des animaux symbolisant la force et la puissance. Les membres de sociétés maffieuses, les yakusas, affirmer leur appartenance par des tatouages qui peuvent revêtir l’intégralité du corps.
Le tatouage aujourd’hui
Pourquoi se fait-on tatouer?
Cynthia, 20 ans arbore un petit lézard sur l’épaule, à la question “pourquoi un tatouage?” elle répond qu’elle ne sait pas trop, j’insiste “vous aimez les lézards?”, là elle proteste: “ah non alors!” Je reste un peu perplexe, elle m’explique qu’elle s’est fait tatouer l’été dernier, comme sa copine Elodie, c’est à la mode, elle se sent plus attirante…
Niko, tatoueur à Paris affirme sur son site internet qu’il trouve cet effet de mode plutôt attristant. Il conçoit le tatouage comme une oeuvre qui s’élabore à deux et doit avoir un sens.
Il témoigne: « Cinquante pour-cent de mes clients n’ont aucune idée de ce qu’ils veulent … si ce n’est un tatouage. Ils poussent la porte de mon studio et j’essaie d’ouvrir leur esprit sur les possibilités du tatouage. » L’artiste accueille ces porteurs d’un désir, il va les aider à le préciser et le concrétiser dans leur peau. L’idée c’est que le tatoueur est là pour réaliser une oeuvre qui doit parfaitement s’intégrer à la personne: refléter son identité et son expression. Il n’est pas simple de cerner les motivations de celui ou celle qui demande un tatouage, mais, dans tous les cas, le fait de le porter inscrit sur soi, de le donner à voir ne peut pas être seulement une quête destinée à soi-même. La personne tatouée délivre un message par son motif et son lieu corporel. Le tatouage témoigne à la fois d’une intention de communiquer et de l’épreuve qui y a conduit.
La symbolique occupe une place importante, certaines personnes se font tatouer des signes en mémoire d’une expérience vécue: amour, engagement, et aussi parfois un deuil. Certains motifs relèvent de l’imaginaire traditionnel: dragons, griffons, sirènes, donnent-ils au porteur de ces tatouages une parcelle du pouvoir attribué à ces animaux mythiques? En le donnant à voir, le tatouage va interpeller, peut-être effrayer ou attirer, mais toujours questionner le spectateur… C’est à ce niveau que le tatouage peut avoir une justification de séduction, les tatouages maoris traditionnels confèrent à leur porteur un pouvoir d’attraction. L’attirance pour les peaux tatouées relèverait-elle ainsi du fétichisme?
Pas si simple… Le tatouage n’a pas le même sens selon l’endroit où il siège, les bras et les épaules sont aisément dénudés, le dos, le thorax et les jambes ne le sont qu’à la plage, à la piscine, au gymnase, le reste du corps ne se montre qu’en privé. Aussi le motif inscrit au bas du dos et révélé par un tee shirt un peu court peut-il être lu comme un indice sexuel car il attire le regard vers une zone intime.
Mais une question se pose: En se banalisant, ne perd-il pas de sa valeur symbolique?
à suivre avec le piercing…