Les représentations mentales
En matière de sexualité, il est un thème que l’on n’aborde presque jamais et qui se révèle pourtant crucial, en particulier chez les femmes : les représentations mentales. La jolie Claire, notre aimable cobaye, se décrit spontanément comme « libre, pas coincée et sans trop de préjugés. » Une jeune femme tout ce qu’il y a de plus normale, menant une vie sexuelle heureuse. Elle en a été d’autant plus surprise lorsqu’elle a découvert qu’elle se connaissait nettement moins bien qu’elle le pensait… Une source de blocages dont elle n’avait aucune conscience.
En tant que femmes modernes vivant au XXIè siècle, nous pouvons nous considérer comme relativement libérées dans notre sexualité, du moins en comparaison avec nos grand-mères. Abreuvées de littérature en tout genre, nous disposons d’un vaste savoir technique sensé faire des merveilles avec les plus sportives d’entre-nous. D’où la croyance bien ancrée que la femme moderne grimpe aux rideaux tous les samedis soirs, excepté les jours de foot (là elle ne grimpe plus mais descend, et ce avec la poubelle remplie de cannettes vides).
Il a fallu attendre quelques-unes des très récentes études sur la sexualité des Français pour découvrir que la plupart d’entre-nous ne s’élevait même pas au dessus de la tête de lit. Culpabilité oblige, nous potassons donc avec une ardeur décuplée les magazines féminins, les sites internet et les réseaux sociaux, afin de découvrir quelle peut bien être la formule magique qui nous échappe…
Pourtant, il faut bien savoir que ce n’est pas dans le gadget ou la technique que l’on parviendra à mieux maîtriser sa sexualité, et c’est précisément pour cela que nous avons souhaité livrer une expérience très révélatrice.
Une Jeune femme branchée et sexuellement « épanouie »
A 22 ans, Claire correspond en tous points à la description qu’elle donne d’elle-même. Étudiante coquette et branchée, elle entame son neuvième mois de relation avec Sébastien, un peu plus âgé qu’elle. » Notre couple fonctionne bien et nous sommes très épanouis sexuellement. J’ai beaucoup de plaisir à faire l’amour avec lui. » Elle n’a pas d’orgasme lors de la pénétration : » Mais souple comme je suis, avec un peu d’entraînement… »
Or il y a quelques mois, Claire découvre par hasard qu’elle avait une ou deux croyances dont, tout compte fait, elle se serait bien passée. « Ça a commencé le jour où j’ai voulu tester un appareil pour faire travailler le muscle du périnée : j’avait un peu de mal à faire rentrer dans mon vagin les boules que j’était sensée retenir par contraction. » Bizarrement, elle s’est dit qu’il n’y avait peut-être pas la place pour ces petites boules de trois ou quatre centimètres de diamètre. « J’avais peur de toucher quelque chose à l’intérieur et de me faire mal. » Ce qui est un peu paradoxal si l’on considère que pour Sébastien, il y a toute la place qu’il faut.
L’histoire des boules en plastique rose l’ayant un peu amusé, elle en parle plus tard à sa gynécologue; laquelle trouve cela assez curieux. « Elle m’a dit que mon vagin n’était pas si fragile, et m’a demandé si j’y avais déjà mis les doigts pour le connaître bien. J’ai dit oui parce que je sais très bien comment je suis faite « .
Qui cependant a « horreur » de son vagin
En réalité, il se trouve que non! Claire ne savait pas si bien que cela ce qu’il y avait là-dedans. Parce que lorsque sa gynécologue lui demande de décrire la forme de son vagin, sans s’appuyer sur les schémas que nous avons toutes en tête, elle ne peut sortir qu’une réponse très évasive. « J’ai du faire allusion à une espèce de tube avec un truc mou au bout…« . Pas très fière de sa réponse, et pour ne pas rester bête, elle tente une exploration rentrée chez elle. » …et ça m’a fait un peu mal, je sentais que ça résistait. C’est comme quand il faut mettre un tampon : j’ai horreur du contact de mon vagin avec mes doigts « .
Contrairement à ce qu’elle croyait, il n’est pas normal du tout d’avoir ce genre de phénomène de répulsion, assorti d’une petite contraction, signe qu’elle ne savait pas franchement où elle mettait les doigts.
Au final il s’est avéré que notre charmante Claire, un peu inquiète mais soulagée de ne pas avoir de » truc mou qui s’ouvre sur un espace indéfini« , avait une représentation plus que brumeuse du haut de son vagin. Qu’y a-t-il au dessus du truc mou ? L’utérus certainement, mais d’après les schémas et pas selon son expérience. Parce que, après réflexion, elle a finalement compris qu’elle avait très peur de toucher le dit organe. « J’ai réalisé que j’avais des représentations qui dataient d’une classe de bio en 4ème. Je croyais que l’utérus était un organe d’assez grande taille et très sensible. Je me souviens avoir adopté à ce moment là l’image d’une éponge pour décrire mes règles. Au final je me représentais un phénomène assez violent d’un organe ultra sensible, l’utérus, qui se presse jusqu’à détruire une partie interne de lui-même « .
De là l’élaboration de constructions mentales erronées du vagin, mal connu, débouchant sur l’utérus, organe blessé et vulnérable, qui fait mal par définition. On comprend pourquoi notre Claire n’aimait pas trop y mettre les doigts. Depuis cette épisode, et maintenant qu’elle a une connaissance d’elle-même digne d’une gynécologue, le problème ne se pose plus. Elle sait qu’elle ne risque pas de se faire mal et trouve encore plus de plaisir à faire l’amour.
La véritable clé du plaisir féminin
Ce qui est vrai pour la douleur l’est aussi pour le plaisir. Les représentations mentales qui transforment le sexe féminin en une zone très sensible, ou susceptible de faire mal, créent une douleur ou une gêne, dans tous les cas un blocage. Le plaisir féminin est en grande partie psychologique (exception faite, en partie, du clitoris qui fonctionne un peu comme le sexe masculin), et dépend beaucoup de la façon dont une femme se connaît et se perçoit. En l’occurrence, il est nécessaire de savoir d’où vient précisément son propre plaisir pour être capable de l’augmenter.
Il faut donc construire une image de son sexe comme une zone ouverte et agréable, source de plaisir.
Cela paraît logique, mais comme a pu le constater notre adorable cobaye, ça ne va pas de soi. Claire, qui n’avait « aucun problème sexuel » a expérimenté malgré elle l’influence de ses représentations mentales, qui lui paraissaient banales, sur ses sensations, sur la douleur et le plaisir de faire l’amour.
Malgré tout, la jeune femme a eu de la chance car elle aurait pu développer des problèmes plus graves. Une méconnaissance de soi peut conduire, par exemple, à un vaginisme; c’est une contraction qui rend la pénétration douloureuse, voir impossible. Mais qui n’est rien de plus qu’un mécanisme de défense.
Ainsi avons-nous presque toutes, à des degrés divers, des représentations plus ou moins erronées. Elles nous viennent parfois de notre éducation, de croyances ou de lectures, elles sont parfois conscientes, mais le plus souvent inconscientes.
Le plaisir féminin se situe alors à un tout autre niveau, dans le mental plus que dans la technique. Dès lors il n’est plus question de nouveaux gadgets à acquérir, mais bien de tout reprendre depuis le début par un indispensable bilan de ses connaissances et de ses croyances : » Comment est-ce que je perçois mon sexe ? « . Si ce n’est pas lencore la ligne droite vers un plaisir délirant (ce serait trop facile, non ?), du moins on est une bonne voie !
Jasmine Saunier
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